Le scandale du CHU Ibnou Rochd

CHU Ibnou Rochd 2014

L’hôpital Ibnou Rochd, qui accueille les malades de presque tout le Maroc, souffre de tous les maux: corruption, manque de professionnalisme, mauvaises prestations, manque d’infrastructures, absence d’hygiène…

«Une fois admis à l’hôpital Ibnou Rochd, après un passage très décevant aux Urgences, on croit qu’on va être soulagé. Mais l’on ne tarde pas à s’apercevoir qu’on est entré dans un labyrinthe. Mon père, qui souffrait de fractures suite à un accident de la circulation, a été admis au Pavillon 4 du service de traumatologie-orthopédie. De temps en temps, il perdait conscience. Mais on n’a pris soin de lui qu’à 8 heures, alors qu’il était la veille aux Urgences dès 21 heures. On l’a donc placé dans une salle où il faisait très froid et cette salle contenait deux lits, dont celui de mon père qui était cassé. On a dû demander à une personne de lui changer le lit», raconte khalid. Et d’ajouter: «Mais ce qu’il faut savoir, c’est que les visites ne sont permises qu’à 17 heures. Les malades ont constamment besoin de beaucoup de soins et les infirmiers et les infirmières ne font plus leur travail comme il se doit. Les gens sont obligés de donner un «pourboire» au personnel paramédical pour que celui-ci prenne soin des leurs, en leur absence. Les gens donnent aussi entre 5 et 20 DH aux agents de sécurité du CHU Ibnou Rochd pour pouvoir rendre visite aux malades tous les matins». Le Reporter a assisté à cette opération de corruption. Effectivement, les familles rendent visite aux malades dans la matinée en leur rapportant tout ce dont ils ont besoin ou pour leur tenir compagnie des heures durant en échange d’un pourboire chaque jour. Les agents de sécurité doivent amasser une fortune, suite à cela, ce qui est une grave transgression du règlement et une violation de la note ou circulaire de l’hôpital qui interdit toute visite, jusqu’à 17 heures.
«Après avoir installé mon père, nous sommes rentrés à la maison. Une fois de retour à l’hôpital, nous ne l’avons pas trouvé dans sa chambre d’hôpital. Nous avons dû galérer pour savoir dans quelle salle il a été transféré, pour que le médecin spécialiste le consulte. Il y a un manque terrible de communication. Pis encore, nous l’avons retrouvé inconscient et dans un état lamentable. Mais le médecin n’était toujours pas là, alors qu’il était midi. Une fois arrivé, le médecin nous a demandé de lui faire passer un scanner, pour s’assurer qu’il n’avait rien à la tête. Il a donc fallu porter mon père avec nos mains puisqu’il y avait des escaliers. Mais en le portant, il criait de douleur», raconte toujours khalid.

Mais où est le personnel paramédical?

La réalité amère des hôpitaux publics ne s’arrête pas là. Les familles sont censées s’occuper de leurs malades. «Je viens chaque matin, poursuit Khalid. Je lui change les couches et ses vêtements et je lui donne à manger. Je l’aide aussi à faire ses besoins naturels. Le médecin nous a demandé de lui acheter des prothèses pour ses pieds aux os fracturés. Celles-ci coûtent trop cher. Les médecins, de leur côté, se font rares. Nous sommes donc obligés de les rencontrer, surtout pour connaître l’état de santé de mon père. Les gens procèdent de façon très bizarre: ils se pointent devant les voitures des médecins pour leur parler».
«Si tu veux qu’on s’occupe très bien de votre parent malade, il suffit de donner aux infirmiers et aux infermières de l’argent. Mon père avait uriné sur le parterre et l’infirmière est venue pour tout nettoyer, parce qu’on lui avait donné un pourboire», raconte Nezha, fille d’un patient cardiaque. Et d’ajouter: «Dans cet hôpital public, l’argent et le népotisme vous permettent de bénéficier de toutes les prestations requises. Ce qui est bizarre, c’est que même les riches viennent se soigner ici, alors qu’ils ont les moyens de se faire soigner dans des cliniques privées».

Les rats sont là, les WC sont rares

Au pavillon de cardiologie, on ne tarde pas à découvrir qu’en apparence, il est impeccable, mais qu’en réalité, il est plein de saletés. Dès qu’on s’approche des salles, on découvre des corbeilles pleines d’ordures dans les halls et les couloirs, un lavabo qui pue, toujours plein de vomissures qu’on cache avec un morceau de carton, des seringues jetées sur un meuble… Autre anomalie qui gâche le séjour des patients et irritent leurs visiteurs dans cet hôpital: une seule salle d’eau (toilettes) par étage et les familles des malades s’en disent choqués. En effet, une seule salle de toilette en service pour un grand nombre de chambres. Et dans ces toilettes, la chasse d’eau ne fonctionne pas. Pour y aller, les malades doivent prendre avec eux de l’eau dans un récipient. «Il n’y a qu’une seule salle de toilettes dans le pavillon de cardiologie et elle se trouve dans la chambre d’un patient. Dérangé, ce patient a donc décidé d’y interdire l’accès. On est donc obligé d’aller dans un autre étage pour faire ses besoins, ce qui est pénible pour les patients très souffrants, de surcroît cardiaques, car c’est un effort de plus. Et puis, les toilettes sont dans un état lamentable: elles puent et il faut se changer après», relève Nezha.
Pour sa part, Khalid assure avoir trouvé un rat dans le lit de son père (Pavillon 4), au service de traumatologie-orthopédie. «Avant-hier, j’ai été ahuri en découvrant un rat dans le lit de mon père. Le lit est dans un état lamentable. C’est là que se cachait le rat. Et ce dernier était entre les jambes de mon père. Il n’avait pas l’air d’être dérangé; il a pris tout son temps pour errer et il est reparti. On n’a pas essayé de le prendre de peur de blesser mon père», souligne Khalid.
«Les rats, on les aperçoit souvent. Je me demande pourquoi la direction de l’hôpital Ibnou Rochd ne fait pas appel à un service de dératisation pour s’en débarrasser. Ils envahissent le CHU et c’est une honte en plus. Ces rats sont la source de tous les microbes», s’indigne Nezha.

FAI : Retour à Marrakech en octobre 2015

Badia Dref
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Reportage
Les urgences, un vrai désespoir

hopitaux publics

L’accueil et les prestations aux citoyens dans les services des urgences des hôpitaux publics au Maroc restent bien en deçà des aspirations. Anarchie, corruption, insatisfaction et souffrance des malades et des familles sont les maîtres mots dans ces lieux.

Casablanca, samedi 11 janvier, jour de célébration de la présentation du Manifeste de l’Indépendance du Maroc. A 19 heures, aux Urgences de l’hôpital Ibnou Rochd, de nombreux patients, hommes et femmes blessés ou malades, accompagnés de leurs familles, sont dans la salle d’attente. L’anarchie est totale puisque les gens ne trouvent personne pour leur fournir des informations et ont du mal à communiquer. Et ce sont les agents de sécurité qui interviennent pour les aider. Mais ces agents sont la source de tous les maux. Pour franchir la porte d’entrée, il faut payer entre 10 et 20 DH. Et ces agents semblent très renseignés, connaissant parfaitement le lieu. Une fois sur place, les membres de la famille cherchent une chaise roulante ou une civière pour la personne blessée ou malade. Un matériel qu’on ne trouve pas facilement. Les plus chanceux, quand ils arrivent à mettre la main dessus, doivent remettre leur carte d’identité nationale aux agents de sécurité, en échange de «ce service». D’autres malades, malgré la douleur et les souffrances, restent debout en attendant de voir le médecin. Mais, avant cela, il faut passer à la caisse des Urgences. Les patients pauvres et seuls attendent aussi, mais sans espoir. Car, tant qu’ils ne passent pas à la caisse, ils ne seront pas soignés. Un vagabond trouvé dans la ville sur un banc à moitié conscient est là depuis vendredi matin. Il souffre en silence et personne ne vient à son aide, nous confie-t-il. «Je vis dans la rue, j’ai des problèmes de cœur, je souffre beaucoup et, comme je n’ai pas de moyens et suis délaissé par ma famille, je suis toujours là», raconte-t-il. Une autre patiente, une vielle dame souffrant de maux à l’estomac et accompagnée d’une parente, n’a pas pu voir le médecin. Elle n’a pas les moyens pour payer la consultation et ne bénéficie pas du RAMED. «C’est ma tante. Elle habite seule et on l’a retrouvée chez elle évanouie. Elle habite dans un douar et elle n’a pas de quoi payer le médecin. Elle n’est pas inscrite au RAMED. On est là depuis longtemps, mais sans résultat. On attend une personne qui va l’aider; elle sera là dans une demi-heure», nous confie une jeune fille, parente de cette femme âgée.

Les urgences, un vrai calvaire pour les citoyens

Une fois sur les lieux, les familles cherchent à entrer en contact avec les médecins pour obtenir les soins que l’état de santé de leur proche exige. Et c’est là que le vrai calvaire commence et pour elles et pour les malades. Le Reporter était sur les lieux au moment où les parents d’une patiente, une fille souffrant d’une crise de glycémie, l’ont amenée au Service des urgences. Après l’avoir sortie de l’ambulance, ils ont vainement cherché une chaise roulante pour elle. Finalement, ils l’ont faite asseoir sur un des bancs de la salle d’attente. Juste après, le père est passé à la caisse pour payer la consultation. Mais, à l’intérieur, il n’y avait pas le médecins et ceux qui se retrouvaient sur place n’étaient en fait que des stagiaires. Les parents, très inquiets, ont dû attendre très longtemps avant de voir le médecin. «Ma fille souffre d’une crise de glycémie. Après l’avoir consultée, le médecin lui a fait une injection et lui a prescrit des médicaments. Il pensait qu’elle souffrait aussi d’une crise de nerfs et qu’il fallait l’emmener au pavillon 36. Encore fallait-il trouver une ambulance pour l’y conduire. Une fois celle-ci trouvée, l’ambulancier nous a demandé 300 DH pour le transport de la malade. Pourtant, le pavillon 36 n’était pas loin du Service des urgences. Je trouve que c’est trop cher et que c’est aberrant», a confié la mère de la fillette au Reporter. Et d’ajouter: «Les médecins sont bons, mais l’accueil réservé aux gens par le personnel paramédical et les agents de sécurité est très mauvais. Ils nous ignorent et nous «crient dessus» parfois. Mais quand on leur donne de l’argent, ils deviennent très serviables comme par miracle».
«Mon père a eu de sérieuses fractures au niveau des os du bassin et des pieds, suite à un accident il y a une semaine. On a galéré quand on l’a amené aux Urgences du CHU Ibnou Rochd. On l’a amené à 21 heures, mais il n’a été admis à l’hôpital qu’à huit heures le lendemain», confie Khalid, un jeune de 30 ans. Et d’ajouter: «Après avoir payé la consultation, nous avons dû attendre longtemps avant de voir le médecin traitant qui nous a demandé de faire un tas de radios, en plus d’un scanner. Cela nous a pris beaucoup de temps, parce qu’il y avait beaucoup de monde. Comme mon père avait des fractures au niveau du bassin et des pieds, il fallait que quelqu’un l’assiste pendant les prises de radio. Je le mettais à chaque fois sur la table de consultation. L’infirmier-radiologue ne fournissait, lui, aucun effort. Pourtant, c’était son travail d’accueillir les patients. Et, puisque mon père n’adhère pas au régime RAMED, nous avons payé 3.500 DH rien que pour les radios. Une fois chez le médecin, celui-ci nous a confié que son cas nécessitait une opération chirurgicale. Il nous a donc demandé de le conduire au service de traumatologie-orthopédie, Aile 4, à l’hôpital Ibnou Rochd».
«Quand nous étions aux Urgences, il y avait plusieurs patients, dont une fille qui avait une sérieuse blessure au niveau de la tête. Elle avait vraiment une hémorragie et, comme sa famille n’était pas là, elle est restée seule. Personne n’était donc à son chevet, les soins et les secours étant accordés uniquement aux patients qui sont accompagnés de leurs familles et qui paient tous les services et les radios. Rien n’est gratuit. Nous avons fait de notre mieux pour l’aider. Nous avons posé des mouchoirs sur sa blessure pour arrêter l’hémorragie, mais c’était en vain. Cette dernière n’a été admise aux Urgences qu’à l’arrivée de sa famille. Celle-ci a paniqué en craignant le pire», témoigne toujours Khalid.
Avant notre arrivée, une jeune dame avait crié au scandale en réclamant qu’on admette aux Urgences sa parente malade. Heureusement que le médecin assurant la permanence cette nuit est vite intervenu et a donné ses instructions à l’agent de sécurité pour conduire la malade à son bureau pour consultation, confie une dame au Reporter.

ONU | La corruption encore plus préjudiciable dans le contexte du Covid-19

BadiaDref
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CHU

Urgences chu ibnou rochd casablanca

En 2009, une citoyenne marocaine, Khadija Lahdiji, est décédée dans les Urgences de l’hôpital Ibnou Rochd à Casablanca. Cette dame avait la quarantaine et était dans le besoin. Elle n’avait donc pas les moyens de payer la consultation et les radios. Elle était seule sur place et sans famille. Elle est restée étendue à même le sol pendant trois jours, sans qu’on vienne à son aide et sans qu’on lui fournisse les soins nécessaires. Après sa mort, sa dépouille a été transférée à la morgue où elle est restée pendant trois mois. La direction des Urgences ne s’est même pas excusée, concernant ce drame.
Bien avant Lahdiji, un vieil homme, qui souffrait de la prostate et n’avait pas, lui non plus, les moyens de payer les radios, a rendu l’âme à cause de la négligence. Ce dernier est resté aux Urgences pendant 14 jours en dormant par terre, alors que ce lieu est censé sauver des vies humaines et présenter des soins aux malades et aux blessés.

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