L’OPEP peut-elle éclater?

Abdallah el badri sg opep

Il y a de cela quelques mois, on prédisait le pire sur le prix du pétrole.
Le pire, c’était un brut inaccessible, de plus en plus rare et de plus en plus cher. Il faudrait à ce propos reprendre certains articles de presse.
Aujourd’hui la situation est complétement inversée: le prix du pétrole ne cesse de baisser. Cela est dû à la baisse globale de l’activité économique mondiale. Cela est dû au contexte international: Libye, Irak, Syrie et Nigeria. Cela est dû à la part de marché énergétique pris dans certains pays, notamment aux USA, par le gaz de schiste. Certains pays consommateurs sont devenus auto-suffisants ou exportateurs.
La baisse du pétrole est une fausse bonne nouvelle; quand il est trop cher, c’est une catastrophe, mais quand il est bradé, cela provoque également de graves désordres économiques. La solution logique face à ce problème semble être de baisser la production pour faire remonter le prix. Or, ce n’est pas ce qui se passe.
Les pays de l’OPEP ont décidé, le 27 novembre à Vienne, de maintenir leur plafond de production de pétrole, malgré la surabondance de l’offre d’or noir, faisant aussitôt plonger les cours du brut à de nouveaux plus bas niveaux depuis 2010. C’est tout de même étonnant!
Depuis six ans, les réunions semestrielles de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), à Vienne, n’étaient plus que des conclaves de pure forme dont les douze pays membres ressortaient sur un constat invariable: le marché est bien approvisionné et le prix de l’or noir ménage les intérêts des producteurs et des consommateurs. Avec un prix du baril oscillant de 100 à 120 dollars entre la fin 2010 et la mi-2014, les pays producteurs engrangeaient des recettes confortables et les économies occidentales, moins dépendantes du pétrole, s’en accommodaient.

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«Nous avons débattu et à la fin nous avons décidé de maintenir les 30 millions comme niveau (de production) pour les six prochains mois», a annoncé lors d’une conférence de presse le secrétaire général de l’organisation, Abdallah El-Badri.
Le cours du rouble a quant à lui dévissé, la valeur de la devise russe étant très dépendante des prix de l’or noir, tout comme les actions des compagnies pétrolières européennes qui perdaient 2 à 4% en fin d’échanges européens.
Pour Moscou l’Arabie Saoudite est télécommandée par Washington pour affaiblir Poutine. Mais la Russie n’est pas la seule concernée et les pays du Golfe souffrent aussi.
Le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Rafael Ramirez qui militait pour une importante réduction, a quitté la réunion le visage fermé, en refusant de répondre à la presse. Des rumeurs font état de tensions très graves et même de risque d’explosion de l’organisation.
«Je pense que le marché va se stabiliser» et «nous recherchons une stabilisation du marché à long terme et non des mesures de court terme», avait plaidé de son côté le ministre du Pétrole des Emirats Arabes Unis, Suhail al-Mazrouei.
Une baisse du plafond (principal outil de l’OPEP pour réguler l’offre pétrolière mondiale) aurait pu aider à réduire le surplus d’approvisionnement sur le marché pétrolier. Mais l’abaisser aurait eu l’inconvénient pour le cartel de faire perdre des parts de marché à ses membres au profit d’autres Etats producteurs, à moins que ceux-ci ne procèdent à des baisses similaires de leur propre production.
La Russie qui se sent visée avait toutefois lancé un signal en ce sens, en annonçant une baisse symbolique (25.000 barils par jour seulement) de la production de Rosneft, sa compagnie pétrolière publique, après une réunion inédite entre quelques pays de l’OPEP et non OPEP.
Il y a déjà eu des crises.
Ce fut vrai en 1986. Las de supporter seuls la baisse de la production pour soutenir les cours, les Saoudiens l’avaient laissée filer et les prix avaient dévissé, tombant à moins de 10 dollars le baril. Jusqu’à ce que l’OPEP décide, en août 1986, de resserrer les vannes pour faire remonter les prix. Même scénario en 1998-1999, après la crise asiatique. Le cartel avait réduit sa production quotidienne de 4,3 millions de barils pour enrayer une chute du baril sous les 12 dollars. Avec succès, là encore.
Cet axiome s’est vérifié à Oran (Algérie), fin 2008, trois mois après la faillite de la banque Lehman Brothers et le début de la crise économique mondiale. Au cours de l’été précédent, le baril avait atteint un pic historique à 147 dollars; six mois plus tard, il était tombé à 35 dollars! L’OPEP avait alors décidé de retirer du marché 2,2 millions de barils qui s’ajoutaient à d’autres réductions. Au total, elle avait réduit sa production de 4,8 millions de barils en quelques mois, le quota tombant à 24,8 millions de barils, ce qui avait fait remonter progressivement les prix jusqu’à 100 dollars.
On sait donc comment faire, la question reste: pourquoi cette fois ne le fait-on pas ?

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Patrice Zehr

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