Stratégie turque | La marche en Ukraine d’Erdogan

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L’invasion russe en Ukraine a ouvert pour Recep Tayyip Erdogan un nouveau champ d’opportunités.  A la manœuvre d’un large virage géopolitique au Moyen-Orient, l’homme fort d’Ankara est très actif…

Il se rapproche des adversaires d’autrefois, joue l’apaisement avec Paris et Berlin, tente de réinstaller son pays à la grande table des négociations de l’Otan -d’où il lance un nouveau bras de fer sur l’adhésion de la Suède et de la Finlande- et enfin joue les intermédiaires entre Moscou et Kiev. Si un cessez le feu intervient grâce à lui il sortira vainqueur et homme de paix. Sur la scène intérieure donc, cela se traduit déjà par une hausse de 5 points de sa cote de popularité depuis le début de l’année.

Après 19 ans de pouvoir et une très grave crise économique qui frappe les Turcs au portefeuille depuis plus d’un an, son horizon politique s’assombrissait à un an de la prochaine élection présidentielle. 

Il est cependant difficile de suivre la stratégie du turc. Après avoir soutenu l’Ukraine face à la Russie, la Turquie a refusé d’appliquer les sanctions occidentales à l’encontre de Moscou. Aujourd’hui, elle se positionne contre l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Otan.  Le Président Erdogan a affirmé  que la Turquie ne «cèderait pas» sur l’adhésion de la Suède et de la Finlande, or tout élargissement est soumis à l’approbation unanime des membres de l’Alliance. Pourtant, depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, la position de la Turquie dans cette affaire a été saluée par l’Otan puisqu’Ankara a montré ouvertement son soutien à l’Ukraine, désapprouvant l’acte de guerre commis par son allié russe. La diplomatie turque a qualifié «d’inacceptable» et de «grave violation du droit international» l’invasion de l’Ukraine. Quatre jours plus tard, Ankara a accédé à la demande de Kiev de reconnaître le conflit comme une guerre. Conformément à la convention de Montreux de 1936, la Turquie a alors fermé l’accès, pour la plupart des navires de guerre, aux détroits du Bosphore et des Dardanelles.

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Mais d’un autre côté, elle a également refusé d’appliquer les sanctions décidées par les Occidentaux contre Moscou et n’a cessé de jouer la carte de la médiation. 

Ankara souhaite garder cette position ambivalente qu’elle tient depuis des mois, entre Russie et Otan. La question de l’adhésion à l’Otan n’est d’ailleurs qu’un des points sur lesquels la Turquie maintient sciemment le flou dans ce conflit. Parallèlement, elle s’est toutefois opposée aux sanctions occidentales contre Moscou et a notamment déclaré que les oligarques russes restaient «bien sûr» les bienvenus en Turquie et libres d’y faire des affaires, dans le respect du droit international. C’est d’ailleurs là qu’ont trouvé refuge plusieurs yachts possédés par des milliardaires russes tels que Roman Abramovitch. Pour Carole André-Dessornes, géopolitologue et chercheuse associée à la FRS contactée par Le HuffPost, cette tactique de souffler le chaud et le froid permet aussi à Ankara d’être en position de négocier avec la Suède et la Finlande au sujet des Kurdes du PKK, considérés comme «terroristes», que les deux pays du Nord refusent d’extrader. Ou encore de demander à la Suède de lever la suspension de ventes d’armes de 2019, décision prise en représailles à l’opération turque dans le nord de la Syrie.

Kiev représente 15 % des importations de blé d’Ankara, ce qui en fait son deuxième plus gros fournisseur après la Russie. L’Ukraine est aussi la troisième source de tourisme de la Turquie: quelque 2 millions de personnes y sont venues en vacances en 2021. Aussi, parmi les multiples partenariats avec Ankara, Kiev a construit sur son sol en 2021 une usine pour la coproduction du drone de combat Bayraktar TB2 – conçu par la société Baykar, dont le directeur de la technologie est le gendre de Recep Tayyip Erdogan. Ces drones sont d’ailleurs utilisés aujourd’hui en Ukraine contre la Russie. Kiev a également signé des contrats pour la fabrication de moteurs qui serviront à la fois aux nouveaux modèles du drone TB2 et à un futur hélicoptère militaire turc.

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Concernant la Russie, cette dernière fournit à Ankara 45 % de sa consommation de gaz naturel et 70 % de son blé. Les Russes sont aussi importants pour le secteur du tourisme turc: 4,7 millions de visiteurs (soit 19 % du total en 2021) s’y sont rendus l’année dernière, note France 24. 

La Russie est prête à travailler avec la Turquie à la libre circulation des marchandises en mer Noire, y compris des céréales provenant d’Ukraine, a déclaré lundi 30 mai le président Vladimir Poutine à son homologue Recep Tayyip Erdogan. L’Ukraine et les pays occidentaux accusent Moscou de bloquer les ports ukrainiens de la mer Noire, ce que réfutent les responsables russes. Dans ces conditions, l’Ukraine a commencé le mois dernier à exporter des céréales depuis la Roumanie voisine.

Les forces ukrainiennes ont par ailleurs miné les eaux proches de leurs ports afin de contrer toute tentative d’approche par la mer. Certaines mines maritimes ont dérivé jusque dans les eaux turques.

La Russie a plusieurs fois dit ces derniers jours qu’elle pourrait aider à surmonter les inquiétudes sur une crise alimentaire en échange de la levée des sanctions déclenchées depuis son offensive en Ukraine. Lors de son entretien avec M. Erdogan, M. Poutine a ainsi réaffirmé que la Russie pouvait «exporter des quantités importantes d’engrais et de produits agricoles si les sanctions antirusses étaient annulées».

Patrice Zehr

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