Maroc-médias: Mustapha El Khalfi réagit

Mustapha el khalfi ministre communication

Ces dernières semaines, il était impossible de poser un regard sur la «Une» d’un journal, ou d’ouvrir un mail, sans tomber sur les polémiques qui ont opposé le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane et/ou le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi, d’une part, aux professionnels du secteur, notamment audio-visuel et aux députés de l’opposition, d’autre part.
Principale accusation: le gouvernement –et particulièrement le PJD, parti qui est à sa tête- veut exercer une mainmise sur ce secteur et, du fait de son référentiel islamiste, tente de restreindre les libertés et mettre fin à l’ouverture.
Pétition par-ci, formule malheureuse lâchée au Parlement par-là, controverses en chaîne… Sans compter la tension qui accompagne les réformes en cours de négociation, concernant tant la presse écrite (code de la presse, code du journaliste professionnel, Conseil national de la presse…) que le secteur audio-visuel… La «sauce» ne cesse de monter.

Comment Mustapha El Khalfi, qui était lui-même -avant de devenir ministre de la Communication, à la faveur de la victoire de son parti (le PJD) aux dernières élections- journaliste et membre actif de la Fédération des éditeurs de journaux, explique-t-il cette situation ? Y a-t-il une stratégie de son parti et de son département, consistant à imposer une idéologie, ou une vision islamiste, aux médias publics ? Qu’en est-il des réformes en cours et des textes attendus, notamment le code de la presse ?
Il répond à toutes ces questions dans cet entretien accordé cette semaine au Reporter.

Interview réalisée par Mohammed Nafaa

Entretien avec Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement

Vous êtes aujourd’hui au centre d’une grande polémique dans les médias et au sein de l’opposition. Quelles en sont les raisons et qu’en est-il exactement?

Pour commencer, je dirais qu’il n’y a pas une campagne proprement dite. Au contraire, j’estime que ce qui se passe aujourd’hui est une preuve de santé, une partie du débat démocratique exigé dans notre pays.

Quel est alors le fond du problème?

Il s’agit de nombre de partis politiques de l’opposition qui ont exprimé leurs positions respectives concernant le secteur de l’audio-visuel.
Le fond du désaccord est que le gouvernement a œuvré pour la mise en œuvre de prérogatives constitutionnelles et a pris contact avec la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) pour examiner les émissions qui traitent du phénomène de la criminologie et savoir si ces émissions aident à lutter contre le crime ou, au contraire, participent à vulgariser la culture du crime, à normaliser ses symboles et à justifier leur comportement.
Il est cependant malheureux de constater que certains ont oublié que la Constitution, dans son article 165, est claire. Cet article énonce que la HACA veille au respect de l’expression pluraliste des courants d’opinion et de pensée, du droit à l’information transparente dans le respect des valeurs civilisationnelles fondamentales et des lois du Royaume.
Donc, le problème est, d’une part, lié à cela. Et d’autre part, au fait que la politique gouvernementale intégrée a mis en place des systèmes de concurrence dans divers secteurs, y compris celui de l’audio-visuel. En 2013, nous avons lancé le premier organisme qui a organisé la concurrence entre les différentes sociétés de production.

Ces sociétés posent-elles aujourd’hui problème?

Malheureusement, certaines sociétés de production, qui jadis travaillaient sur la base d’accords, en dehors de toute règle de concurrence et de toute transparence, tentent aujourd’hui de court-circuiter cette nouvelle approche. Sachant que la mise en œuvre du système des appels d’offres a eu pour résultat direct de réduire substantiellement la valeur des transactions.

C’est-à-dire ?

Avec le système des appels d’offres, une même émission -et même société de production- a vu la valeur de sa transaction baisser d’environ 25%.

Certaines de ces sociétés évoquent dans ce différend le principe de l’indépendance de la communication publique…

Ces sociétés ne peuvent en aucune façon exploiter le principe de l’indépendance de la communication publique pour défendre la pérennité d’une situation non-concurrentielle qui n’est pas, à mon sens, démocratique.

Qu’en est-il, sur le terrain, de la mise en œuvre de la réforme de l’audio-visuel?

C’est un autre aspect du débat en cours. Il est lié essentiellement à l’adhésion du gouvernement et du ministère de la Communication au processus de mise en conformité du statut de l’audio-visuel avec les dispositions constitutionnelles et, donc, de lancement d’une réforme globale.

On vous empêche de mettre sur pied cette réforme?

Je dirais plutôt qu’il y a du bruitage pour ralentir cette grande réforme.

Quelle réforme et quelle télévision voulez-vous?

J’estime sincèrement qu’on a tranché, s’agissant de ces deux grandes questions, avant l’avènement du gouvernement.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

Nous voulons une télévision marocaine qui reflète les préoccupations des Marocains, les valeurs de l’expression pluraliste et l’ouverture; une télévision qui travaille dans le cadre de l’indépendance, permet de tirer vers le haut la concurrence et met en œuvre les dispositions de la Constitution, principalement celles liées à l’identité marocaine, en considérant la diversité de ses composantes en relation avec la liberté de création et d’expression, mais également avec la diversité linguistique, culturelle, politique et bien entendu… Le service public.

Les réformes 1ère et deuxième génération

Vous avez dit que le Maroc a grand besoin d’une deuxième génération de réformes ?

Nous aspirons effectivement à ce que j’ai appelé une deuxième génération de réformes. Le Maroc en a grandement besoin.

De quelles réformes parlez-vous?

Une deuxième génération de réformes qui se basent sur les acquis réalisés avec la première génération de réformes, processus qui a démarré il a un peu plus d’une décennie.

Ses principales réalisations ou ses acquis?

Les acquis de la 1ère génération de réformes, c’est la fin du monopole d’Etat sur l’audio-visuel, la mise sur pied de la HACA et du statut y afférant, l’intérêt porté aux cahiers des charges pour régulariser la relation entre le gouvernement et le secteur, la libéralisation du champ radiophonique et l’acheminement vers la libéralisation du champ de l’audio-visuel… Le besoin d’une deuxième génération de réformes est lié à la nécessité de la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution qui a hissé vers le haut les nouveaux concepts de diversité, d’identité, de transparence de l’information, de la concurrence et du service public, au point que la HACA est devenue une institution constitutionnelle.

Votre plus proche objectif, alors?

Nous nous acheminerons davantage vers l’indépendance de la communication publique, sa diversité et son ouverture.

Quel est l’élément moteur de cette deuxième génération de réformes?

Ce sont les multiples transformations technologiques que connaît le secteur de l’information et les engagements internationaux qui y sont liés ; le bouleversement progressif et profond dans la situation des supports de l’audio-visuel, qui n’est plus liée au seul téléviseur, mais aussi aux téléphones mobiles, Ipad, Iphone… En plus du fait que nous ne sommes plus face aux téléviseurs traditionnels: nous sommes aujourd’hui en présence de la télévision liée à internet, multifonctionnelle et tridimensionnelle. Ce qui incite dorénavant le secteur de l’audio-visuel à se mettre au diapason des nouvelles technologies.

Et le téléspectateur marocain qui se trouve au cœur d’une concurrence des plus féroces et qui peine à la suivre?

La nouvelle donne a trait justement aux préoccupations, aspirations et attentes des Marocains face à une offre télévisée caractérisée par une concurrence aiguë.

Des chiffres?

Les chiffres nous apprennent que les TV dirigées vers le Maroc sont actuellement estimées à un peu plus de 2.500 chaînes satellitaires. Si on prend en considération NileSat, on dénombrerait plus de 1.000 chaînes et radios. Des chaînes et stations d’information, officielles ou privées, dirigées exclusivement vers la région du Maghreb et vers notre pays.
Il existe une concurrence au niveau de l’information et de la communication, liée à la diversité politique, mais également une concurrence créative concernant la diversité culturelle à l’international.

On investit gros dans l’industrie culturelle télévisuelle ? La concurrence est rude ?

L’investissement dans l’industrie culturelle télévisuelle est devenu un préalable pour le soutien du développement économique et touristique.

Et le Maroc dans tout cela?

Nous nous trouvons au cœur d’une concurrence aiguë au niveau du secteur de l’audio-visuel du fait de la révolution technologique avec des objectifs culturels, socio-économiques et politiques, ce qui exige que l’on réfléchisse profondément sur le thème de la souveraineté nationale de la communication.

L’étude qui révèle le déséquilibre

Dans le cadre de cette concurrence technologique féroce, comment répondre aux attentes des Marocains ?

Nous sommes préoccupés par la nécessaire mise en œuvre des dispositions de la Constitution, par l’exigence de nous aligner sur les diverses transformations des nouvelles technologies. Nous sommes tout autant préoccupés par les attentes nationales et les besoins des citoyens dans ce contexte de concurrence.

Notre télévision reste cependant tributaire des productions étrangères…

Quoiqu’il en soit, nous ne pouvons pas imaginer que la télévision marocaine soit une copie des productions étrangères ou d’une quelconque culture. Nous voulons une télévision qui reflète la culture marocaine qui soit diversifiée, ouverte, mais aussi et surtout nationale, proche de la nature marocaine et qui participe au rayonnement de cette culture.

Quels étaient les dysfonctionnements relevés par l’étude commanditée par votre département, concernant les produits audio-visuels et leur relation avec les valeurs civilisationnelles de notre pays?

Sincèrement, nous avons été surpris par un déséquilibre latent entre les productions nationales et celles étrangères, volet dramatique, plus particulièrement pour ce qui est des feuilletons. C’est plus de 70% de productions étrangères, contre une infime production nationale.

Comment redresser donc la barre?

Il faut à mon sens corriger ce dysfonctionnement dans le sens d’un équilibre qui nous permettrait de réaliser deux objectifs: booster la production nationale et soutenir ses potentialités et capacités.

Vous ne craignez pas que l’on se renferme sur soi ?

Pas du tout. J’ai dit booster notre production nationale mais, en même temps, garantir l’ouverture responsable et rationnelle sur les cultures et préserver les autres composantes de l’identité marocaine, culturelle, amazighe, sahraouie, etc.
Je rappelle que nous nous attelons actuellement à renforcer les capacités de la chaîne de Laâyoune et son rôle, au niveau du service concernant la dimension Sahara-Hassani, dans les médias publics et à consolider sa capacité concurrentielle dans une sphère qui englobe 5 millions auditeurs.

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Les réalisations et acquis

Est-ce un simple déficit de communication qui fait que les réalisations ne sont pas suffisamment connues, ou sont tout bonnement dénigrées?

Malheureusement, il y a un discours négatif qui veille à mettre en sourdine les résultats positifs du secteur audio-visuel qui sont pour nous des acquis.

Quels sont, par exemple, ces résultats positifs?

Je pourrais les résumer en 4 ou 5 grandes réalisations. La première concerne la mise en place du système des appels d’offres. On compte aujourd’hui plus de dix sociétés de production marocaines qui ont été mobilisées pour plus de 330 millions de dirhams. Avec les possibilités financières disponibles, nous pouvons aller jusqu’à environ 500 millions de dirhams.

Quels résultats concrets de ce nouveau système d’appels d’offres ?

Les fruits de ce nouveau système sont palpables au niveau de la transparence des marchés avec les sociétés de production. En ce sens que les transactions, la valeur financière, le nom des sociétés, les programmes et les données, sont identifiées et connues de tous. Alors que ces données n’étaient pas connues en 2013, au point qu’une délégation parlementaire a effectué une visite d’exploration au «pôle public» en 2012. Mais celle-ci n’a pas réussi à mettre la main sur la liste des sociétés de production.

Quel est l’intérêt de la disponibilité de ces données ?

Parce que ces données sont aujourd’hui disponibles, le débat sur les dangers du monopole ou la faible concurrence est devenu à son tour sujet de débat public.

Et qu’en est-il de la bonne gestion des dépenses?

C’est justement le second volet positif qui a été réalisé et qui a trait à une meilleure gestion des dépenses consacrées au soutien accordé à la production. On évoque un gain qui va de 20 à 25%.
Le budget du mois sacré du Ramadan pour 2012 a été réduit d’environ 30%, concernant la production extérieure. Je considère, vu ce résultat, qu’il s’agit là d’un réel et important acquis dû à la mise en œuvre du mécanisme des appels d’offres qui a permis une plus grande transparence.

Pouvez-vous affirmer l’intégrité de ce mécanisme?

Je ne pourrais ni confirmer, ni infirmer, car cela est du ressort de la justice. Parmi les acquis de ce mécanisme, justement, c’est qu’il offre aux sociétés de production la possibilité de recourir désormais à la justice et d’exiger des rapports justifiant le refus de leurs projets, ce qui n’était pas le cas avant.

Autres acquis de ce mécanisme d’appels d’offres?

Il permet d’entamer une réflexion sérieuse et responsable sur le secteur privé de la production au Maroc et le renforcement de ses capacités.

Une stratégie pour la production nationale

Pour ce qui est des émissions de télévision sur la diversité politique, les débats sont très prisés par les citoyens…

Il s’agit d’un réel acquis, même si nous ne sommes pas arrivés à réaliser tous les objectifs escomptés. L’ambition est d’élargir l’assiette des émissions politiques pour arriver à un degré valable de diversité.

Mais la qualité du produit?

Il faut avouer que, parfois, des émissions réalisent un taux d’audience élevé et parfois non. L’essentiel est que les téléspectateurs marocains, à partir de 20h15 à 23h00, suivent le journal télévisé et les émissions politiques. C’est en fait ce qui a constitué un des piliers essentiels de la réforme que j’ai proposée au niveau des cahiers des charges. Nous avons donc, dans un espace de 2h 30 minutes à 3h, une bonne part d’informations et de politique. D’où le recul des chaînes internationales d’information satellitaires, au nombre de dix, qui ciblent la région du Maghreb.

Quelles étaient les conclusions de l’étude entreprise par votre département sur les productions?

L’étude, qui a ciblé 130 productions, est arrivée à la conclusion que la production nationale, principalement au niveau de l’audio-visuel, devance de loin d’autres productions au niveau du service public. C’est pourquoi, lors du Conseil national des droits de l’homme tenu récemment, j’ai rendu hommage à l’action des journalistes qui opèrent dans le pôle public de l’audio-visuel.

Aujourd’hui, il y a un taux défini pour la production nationale, ce qui n’existait pas avant. Comment en êtes-vous arrivés là?

C’est là justement la troisième réalisation liée aux programmes politiques et principalement à la motivation de la production intérieure. La réforme visait en fait à consacrer un taux de 60% comme moyenne pour la production intérieure, ce qui est nouveau en la matière.

Quelles sont les conséquences de cette initiative?

L’initiative a permis le lancement de nombreux programmes produits au sein des chaînes TV. 2M a réalisé quelque 70% de production intérieure et dix nouvelles émissions ont vu le jour dans des secteurs, dans le cadre des dispositions du service public. Très prochainement, le Conseil d’administration se réunira pour adopter le budget 2014 et en même temps le premier bilan de l’application globale des cahiers des charges au titre de l’année 2014.

Mainmise ou non sur le secteur ?

Il est question de mise en œuvre de commissions de déontologie dans les deux chaînes publiques ?

Ces commissions auront pour mission de suivre le respect des critères professionnels au niveau de l’action télévisée et le respect des règles de déontologie spécifiées dans le dahir portant création de la HACA et dans les cahiers des charges. Il est universellement reconnu qu’il est impossible d’avancer sans la mise en œuvre et le strict respect de ces mécanismes intérieurs.

Existe-t-il une volonté de mainmise ou de contrôle idéologique de votre département, du gouvernement ou du parti (PJD, Parti de la Justice et du Développement) sur le secteur public, plus particulièrement sur les médias audio-visuels publics?

Il s’agit là d’accusations non fondées et qui sont loin de la réalité. D’ailleurs, l’histoire se souviendra sûrement que la mise en place d’un mécanisme de concurrence dans la relation avec les sociétés de production a justement constitué un pas moderniste et une avancée. L’histoire se souviendra aussi que la consolidation des émissions du dialogue politique et des journaux télévisés d’information est aussi une avancée notoire. Elle se souviendra, n’en déplaise aux détracteurs, que la consolidation et le renforcement de la production intérieure, ainsi que la défense de l’indépendance de la communication publique et d’autres réalisations importantes constituent une avancée certaine. La dernière réalisation en date concerne un amendement du statut de l’audio-visuel qui interdit l’exploitation négative sur TV de la femme et de son image, ce qui était le vœu de nombre de Marocains. La réalité, c’est qu’il n’existe aucune volonté de mainmise sur les médias audio-visuels publics. Le problème ne se pose nullement en termes d’intervention et je défie personnellement quiconque de prouver le contraire et de présenter ne serait-ce qu’un seul cas d’intervention.

Où réside alors le problème ou le désaccord?

En fait, le problème réside dans le respect des règles de la profession, en ce sens que dans certains cas -comme c’est arrivé dans un reportage sur la hausse des prix de l’eau et de l’électricité- le point de vue du gouvernement a été mis en sourdine et des informations imprécises ont été avancées, le journaliste n’ayant pas usé comme il se devait de sa neutralité par rapport à une affaire aussi sensible. Ce sont là des affaires d’ordre purement professionnel et sans relation aucune avec l’idéologie ou la mainmise.

Quelle a été votre réaction?

Nous avons déposé une demande d’enquête sur ces faits auprès de la Commission de déontologie à la SNRT, ni plus, ni moins. Pour nous, ce qui est essentiel, c’est que nous respections l’indépendance de la communication publique et, en même temps, que nous mettions en œuvre nos compétences juridiques à travers le recours à l’instance de régulation, comme ce qui s’est passé au niveau des émissions consacrées au crime. C’est donc l’une des sociétés qui produisait ce genre d’émissions qui avait dirigé la campagne -un fiasco- contre le ministère de la Communication.

Pourquoi alors cette polémique et ce que vous appelez une campagne?

Ils essaient par cette polémique et ces campagnes d’étouffer toutes les réalisations qui voient le jour et, en même temps, de perturber les initiatives positives à l’actif du gouvernement.
Dans tous les secteurs, nous assistons à des tentatives de dénigrement, de perturbation et même parfois de minimisation des réalisations du gouvernement.

Et alors…?

Nous demandons que l’on se comporte de façon équitable avec l’action gouvernementale.

Vous ne pouvez pas demander cela à l’opposition?

Ecoutez, nous ne prétendons nullement que tout est beau et positif. C’est sûr qu’il existe des dysfonctionnements et des défis à relever. C’est pour cela que nous continuons de travailler dans ce grand chantier de réformes.

Code de la presse et autres textes

Où en est la réforme du Code de la presse ?

Le Message royal de 2002 (et le Dahir de 2002 relatif à l’audio-visuel) a proposé des éléments essentiels de la réforme. Pour moi, il s’agit là d’un cadre référentiel au sein duquel nous travaillons.

Quels en sont les résultats?

Le lancement du chantier de réforme du Code de la presse est participatif. Nous y œuvrons avec grande patience, en silence et approfondissons le dialogue avec les intéressés, parce que cette réforme n’est pas celle d’El Khalfi, de telle instance ou d’une autre. C’est bel et bien une réforme pour le Maroc et les Marocains, qui profitera à tous.

Quelles sont les nouveautés du Code de la presse qui est dans ses dernières étapes?

La suppression des sanctions privatives de liberté et leur remplacement par des sanctions alternatives, les amendes, la soumission de l’interdiction de paraître des journaux à la justice, la protection judiciaire du journaliste et des journaux… Il y a aussi la déclaration judiciaire des sources d’information, du fait qu’on ne peut exiger du journaliste qu’il dévoile ses sources que par décision judiciaire et quand ça concerne des cas précis relatifs à la sécurité, à la défense nationale, à la vie privée des personnes… Idem pour les sites électroniques qui ne doivent être interdits, eux aussi, que par décision judiciaire…

Bensaid appelle à l’amélioration de la situation sociale et économique des professionnels des médias

Les professionnels de la presse estiment que les amendes sont excessives et menacent les entreprises de presse de ruine?

Il faut relever ici que la pratique judiciaire au Maroc s’est orientée vers des amendes modérées et non des amendes excessives. C’était le cas durant ces deux dernières années où15 procès ont été sanctionnés par des amendes adaptées. Par ailleurs, il n’y a pas eu d’interdiction de journaux ou de sites électroniques nationaux par décision administrative. Il y a eu un seul cas, le site Lakom, fermé suite à une procédure judiciaire.

Certains rapports internationaux ne ménagent pas le Maroc qu’ils accusent de bafouer la liberté de presse…

Contrairement à ce que certains rapports internationaux essaient de faire circuler, à savoir que le Maroc n’est pas un pays libre, la réalité est tout autre et confirme l’existence de la liberté de la presse.

Pourtant, il y a encore des dérives…

Des avancées certaines, concrètes. Mais nous faisons encore face à quelques défis, des agressions contre les journaux et les journalistes qui restent limitées quantitativement et sont inacceptables et contraires aux dispositions de la Constitution.

Revenons au Code de la presse qui tarde à voir le jour, de l’avis des professionnels nationaux et des instances internationales. Quelles sont les causes de ce retard? Avez-vous établi un calendrier pour sortir les textes?

Il existe à cela une raison tout à fait simple, je dirais même deux. La première est que nous payons le tribut de l’approche participative. Il était possible que le gouvernement prépare seul ce projet et qu’il le dépose directement au Parlement. Là, il le débattrait avec les partenaires politiques. Mais cette approche est contraire à la Constitution. L’approche voulue et recherchée est celle participative. C’est dans ce cadre que la commission juridique a travaillé. Une partie du projet est aujourd’hui entre les mains des professionnels. La deuxième partie leur sera remise bientôt.
La deuxième raison est que les recommandations de la commission scientifique, sous la présidence de Mohamed Larbi Messari, étaient des recommandations qui nécessitaient des études juridiques approfondies pour les traduire en dispositions juridiques. Pour cela, il a été convenu de prendre le maximum de temps pour approfondir l’étude afin d’éviter de réaliser une réforme qui appellerait une autre réforme.

Avez-vous établi un calendrier?

Après avoir reçu les amendements du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) et de la Fédération marocaine des éditeurs des journaux (FMEJ), nous veillerons à intégrer les remarques et les recommandations de ces instances au Code de la presse. Après cela, nous soumettrons le texte au public avant de le livrer à l’appréciation du gouvernement.

Et pour ce qui a trait à la troisième partie du Code de la presse et de l’édition?

Nous la soumettrons, dans les plus brefs, à l’appréciation des instances professionnelles, pour avis, avant de la proposer au gouvernement et ensuite au parlement.

La polémique des feuilletons étrangers

Votre intervention sur les feuilletons étrangers a été fortement critiquée par l’opposition. Certains ont même parlé de dérapage…

Il y a eu déviation dans le but de perturbation et de création de problèmes marginaux. Il en a malheureusement résulté une regrettable mise en cause d’un pays ami, en l’occurrence le Mexique. C’est une chose comme j’ai qualifiée d’inacceptable.

Que pensez-vous des feuilletons étrangers?

Concernant les feuilletons étrangers, comme je l’ai déjà dit, le problème ne réside nullement dans l’ouverture, mais dans deux choses. D’abord, dans l’équilibre escompté. A savoir que ces feuilletons, qu’ils proviennent de l’Est, de l’Ouest ou du Sud, ne prennent pas le dessus sur les feuilletons nationaux. Les études réalisées par le Conseil suprême de l’audiovisuel en France (CSA) attirent l’attention sur ce problème d’équilibre, ainsi que sur ses dangers sur l’identité nationale et ses impacts économiques et sur la consommation.
Ensuite, le problème est lié aux valeurs.
Nous sommes appelés à nous ouvrir, mais s’ouvrir sur quoi? Il y a toujours eu des expériences qui font la promotion des valeurs culturelles positives et d’autres, de valeurs culturelles négatives, comme la violence ou le crime. Alors que nous nous acheminons vers la présentation d’un produit ouvert, nous nous devons de nous ouvrir sur les valeurs positives des autres cultures du monde, l’important est que l’on pratique une ouverture rationnelle qui ne nous fasse pas perdre notre identité culturelle, nationale et civilisationnelle. En même temps, nous tirons profit de cette ouverture sur les valeurs positives qui existent dans d’autres cultures.

Qu’est-ce qui fait que l’on se rabat sur les feuilletons étrangers et dédaigne la production nationale? Est-ce la médiocrité de cette dernière?

Il s’agit parfois de considérations financières. Ceux qui s’approvisionnent en feuilletons le font en considérant leur prix bon marché. Parfois, il s’agit de budgets limités investis dans le développement culturel dans notre pays.

Controverse Benkirane/2M

Quelles sont les vraies raisons ou malentendus qui opposent le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, à 2M?

Le malentendu n’est pas entre le chef du gouvernement et la chaîne 2M en tant que telle. Des critiques ou remarques sont formulées de temps en temps par le chef de gouvernement concernant certaines couvertures de l’action gouvernementale faites par les médias publics ou privés. Ces critiques interviennent dans le cadre de la défense de l’action gouvernementale et portent en général sur la façon professionnelle de se comporter en prenant en compte la diversité des opinions et le fait de ne pas marginaliser l’action du gouvernement et de présenter l’information avec précision et neutralité. Donc, ce qui est critiqué ici, c’est la manière non professionnelle de certains médias de traiter l’action gouvernementale. Ceux-là, nous n’hésitons pas à leur adresser les critiques…

Concernant les relations du chef de gouvernement avec 2M, y a-t-il dialogue?

Notre relation avec le pôle public et sa présidence est une relation normale, régie par la loi. La communication est -je dirais- régulière. Nous coopérons pour transcender certaines problématiques mais, en cas de dysfonctionnement à caractère professionnel, le chef de gouvernement évalue et critique de façon claire.

Secteur cinématographique: voilà le chantier !

La situation du secteur cinématographique ne répond pas toujours aux attentes des Marocains. Nous n’avons pas de grandes productions sur l’histoire du Maroc, son combat pour l’indépendance, pour la récupération de notre Sahara, la Marche Verte…

Actuellement, nous travaillons sur un processus de développement du secteur cinématographique à travers une 2ème génération de réformes. La relance a commencé il y a deux ans par la réforme du système de soutien au secteur, films, salles de cinéma et festivals et, bien sûr, l’organisation d’un colloque national sur le cinéma avec un Message royal qui a explicité le cadre dans lequel nous devons travailler.

Quels projets?

Nous nous attelons actuellement à développer le cadre juridique et institutionnel du CCM (Centre Cinématographique Marocain), le cadre actuel étant aujourd’hui largement dépassé. Nous projetons également de lancer une politique nationale de formation cinématographique à travers la mise en place de l’Institut supérieur de l’audio-visuel qui a eu sa première promotion en 2013 et, bien sûr, de renforcer la coopération à l’international et soutenir les coproductions. Ceci sans négliger la protection des droits d’auteurs. C’est un chantier très important qui passe aussi par une profonde réforme du Bureau marocain des droits d’auteur, sans oublier la réalisation de productions qui permettent de mieux faire connaître aux Marocains leur cause nationale et leur diversité culturelle. Je dirais que le processus est sérieusement lancé et que nous nous y attelons.

J’ajouterai sur la presse électronique…

La presse électronique, que faites-vous pour mieux l’organiser? Actuellement, c’est la pagaille.

J’estime que la presse électronique passe par une étape transitoire pour s’adapter aux nouvelles dispositions juridiques. Nous en sommes aujourd’hui à la reconnaissance juridique de cette presse électronique et à la mise en place des systèmes de soutien et de formation. A travers ces mesures, nous espérons hisser progressivement vers le haut ce secteur vital tout à fait comme cela a été fait avec la presse écrite. Nous avons besoin de temps.

Ne faut-il pas revoir le système de soutien à la presse électronique, qui draine nombre de non professionnels dans le secteur ? Ne faut-il pas protéger ce corps encore frêle ?

Le ministère de la Communication a réussi à mettre sur pied, avec la Fédération des éditeurs, un nouveau contrat-programme. Il entrera en vigueur en 2014. Il a subi une révision profonde au niveau de nombre de ses dispositions.

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Et à propos de ceci…


Recouvrement

Le fonds de redressement du champ de l’audio-visuel a des arriérés avec l’ex-ONEP, évalués à 200 millions de DH. Quels sont les résultats de votre intervention auprès de l’ONEE?

Ce dossier a été posé depuis 2006. Le ministère de la Communication a réussi, à travers des négociations lancées depuis août 2013, à trouver une issue à ce problème et à signer un accord en juin 2014. C’est une réalisation qui s’ajoute donc à d’autres, liées à la mobilisation des ressources financières nécessaires.

MAP

Quid de l’agence Maghreb Arabe Presse?

De grands efforts ont été consentis au niveau de la MAP. Il a été procédé à la diversification des services MAP TV, MAP Audio et MAP Express et à une refonte des représentations de l’Agence à l’international Forum MAP. De même, on avance vers le lancement du projet de la chaîne d’information télévisée MAP.

Libre accès à l’information

Où en est le Code relatif à la liberté d’accès à l’information?

Nous projetons actuellement d’en accélérer la sortie qui éliminera certains obstacles et nous permettra d’élargir l’espace lié à la liberté d’accès à l’information.

Commission paritaire

La commission paritaire n’a pas bougé ces derniers temps ?

Elle devrait tenir une réunion durant ce mois de juin 2014. Les lettres ont été adressées aux journaux pour qu’ils présentent leurs dossiers respectifs.

 

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