Hub Maroc Atouts et carences

Roi mohammed VI

La géostratégie au service de l’économie ? De nombreux pays doivent leur salut, voire leur prospérité, à cela ! Le Maroc jouit d’une position géographique idéale dont il peut tirer profit. Sa fonction de «hub intercontinental» se précise d’année en année. Mais toutes les conditions sont-elles bien remplies ?

Une fameuse boutade est attribuée à l’historien Michelet qui aurait commencé un de ses cours en lançant à l’assistance: «Messieurs, la Grande Bretagne est une île, j’en ai fini avec la Grande Bretagne !». Son cours ne s’arrêta bien sûr pas là, mais c’était une belle formule pour annoncer que tout ce qu’il y avait à dire sur la Grande Bretagne était déterminé par sa situation géographique. La doctrine devient encore plus claire avec cette célèbre phrase de Napoléon Bonaparte: «La politique d’un État est dans sa géographie».

Le Maroc est-il conscient de ses atouts géostratégiques ? Et puis… Suffit-il d’en être conscient ? Que faut-il faire afin de convertir l’aubaine en bénéfices pour l’économie du pays ? Comment tirer profit de la géostratégie, en ces temps où la conquête du monde se fait moins à coup d’exploits militaires qu’à coup de parts de marché raflées (notamment, aux niveaux industriel et commercial) ?
La crise –un mot aujourd’hui sur toutes les lèvres- a-t-elle atteint cette ampleur qui justifierait le pessimisme dont sont frappés, chaque jour un peu plus, les Marocains ?

Bien sûr, il y a la crise…

Car, si le Président Hollande dit de la France que c’est un des pays les plus pessimistes –et même plus pessimiste que certains pays en guerre (le 14 juillet dernier, à l’occasion de la Fête nationale)- que dirait-on alors du Maroc ?
Oui, le Maroc a été rattrapé par la crise économique et financière internationale, parce qu’en ces temps de mondialisation, il ne pouvait y échapper, n’ayant pas de manne pétrolière et ses principaux partenaires commerciaux s’étant empêtrés dans cette même crise, entre endettement et croissance en berne.
Oui, du fait de cette crise, le pays a vu son élan brisé, au moment où il développait plusieurs stratégies pour voir son économie décoller. Comme les grands chantiers structurants, le Plan émergence pour le développement de l’industrie, le Plan Azur pour le tourisme, les accords de libre-échange…
Et, en conséquence, oui, les déficits nationaux se sont creusés, notamment ceux que les économistes appellent les déficits jumeaux (déficit budgétaire et déficit de la balance des paiements) et les «voyants rouges» se sont multipliés sur le tableau de bord économique et financier national…
Mais si l’on voit bien les effets de la crise sur l’économie, on ne voit pas assez la chance que cette crise constitue pour le pays.

L’adversité qui dope !

Comme a pu dire le Général de Gaulle à propos de l’Europe, quand il y a crise, il ne suffit pas de «sauter sur sa chaise comme un cabri» en disant: Crise ! Crise ! Crise !
La crise a l’avantage de redonner du sens à l’action politique, les défis à relever devenant plus grands et plus précis.
En ce qui concerne le Maroc, la crise lui ouvre des opportunités de deux ordres, s’il arrive à les saisir…
D’abord, elle l’oblige à chercher de nouveaux relais de croissance. Or, sa situation géographique le met en pole position pour regarder vers ses racines africaines et chercher des partenariats win-win dans cette Afrique subsaharienne tant courtisée aujourd’hui. C’est ce que font déjà ses banquiers (Attijariwafa bank, BMCE via BOA, Banque Populaire), ses entrepreneurs (Groupes SNI, Addoha, Alliances, Holmarcom, Chaâbi) et ses Offices (ONEE, OCP). Le Maroc se classe, certes, 2ème parmi les pays africains investissant dans la sphère sud du continent (après l’Afrique du Sud), mais ses investissements restent faibles, notamment au regard d’une Afrique subsaharienne qui représente un marché de 1 milliard de consommateurs !
La deuxième opportunité qui s’ouvre au Maroc, ‘à la faveur’ de cette crise, lui vient de ses principaux partenaires commerciaux européens. Les deux récentes visites officielles au Maroc du Président français et du Roi d’Espagne, respectivement accompagnés de leurs impressionnantes délégations, ont montré qu’il n’y a pas que le Maroc que l’adversité dope. La France et l’Espagne, tous deux frappés de plein fouet par la crise, sont également à la recherche de relais de croissance et de nouveaux marchés. Et le Maroc leur apparaît comme un partenaire sérieux et important, tant pour son propre marché que pour le marché subsaharien, dans le cadre de ce qui a été qualifié de «relation triangulaire».

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Fonction «hub» du Maroc et stratégie royale

Aux yeux de la France et de l’Espagne –et par extension de l’Europe- le Maroc présente donc un intérêt certain pour l’accès à de nouveaux marchés (Afrique et pays du Golfe, notamment).
Bien évidemment, en cela, le Royaume est d’abord servi par son principal atout naturel: sa géographie. Mais la fonction «hub» du pays, qui s’est de plus en plus précisée ces dernières années, n’est pas due à sa seule situation géographique.
Il faut rendre à César, ce qui est à César… Le Roi Mohammed VI a, dès son accession au Trône (1999) et donc bien avant la crise (2008), commencé à mettre en oeuvre une stratégie visant à faire du Maroc une plaque tournante, à plusieurs niveaux. C’est dans ce cadre que le complexe portuaire Tanger Med a vu le jour, une plateforme importante, dont le parachèvement est prévu en 2016 et grâce à laquelle le Maroc s’est positionné sur une des voies maritimes les plus fréquentées du monde. C’est aussi dans ce cadre qu’a été initié le Plan Emergence dont l’objectif était d’identifier les Métiers Mondiaux du Maroc (MMM) pour en faire des moteurs de développement de l’industrie et tenter de sortir l’économie nationale de sa totale dépendance vis-à-vis de l’agriculture. Cela a donné lieu à l’émergence de 3 principaux MMM: l’automobile, où Renault a eu l’idée de faire du Maroc son hub ; l’aéronautique, qui a inspiré dans le même sens le canadien Bombardier ; et l’offshoring, qui a fait du Maroc une terre de délocalisation (donc un hub) de facto.
Le Roi Mohammed VI a par ailleurs personnellement œuvré à resserrer les liens du Maroc avec l’Afrique subsaharienne, pays par pays (aucun lien n’étant possible avec l’Union Africaine depuis que cette organisation accueille le Polisario). Les initiatives royales ont alors consisté à concentrer les efforts sur les liens économiques (dès la 1ère année de son règne, le Souverain a annulé la dette des pays africains les moins avancés et a décidé d’exonérer tous leurs produits de droits de douane). Une diplomatie économique qu’il a poursuivie sans relâche (à ce jour où il reçoit le Président sénégalais en visite officielle, après être allé lui-même en mars dernier au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon).
Enfin, c’est grâce aux relations personnelles du Roi Mohammed VI avec ses pairs des monarchies du Golfe que la France ou l’Espagne peuvent envisager une relation triangulaire avec le Maroc et l’une ou l’autre de ces monarchies, voire le CCG (Conseil de coopération du Golfe, qui les regroupe toutes). Si une telle relation triangulaire voyait le jour, elle ne devrait rien à la géographie…
La fonction hub du Maroc s’est tant et si bien affirmée que même un pays comme la Chine entrevoit une possible «relation triangulaire» avec le Maroc et l’Afrique subsaharienne. D’où le récent accord signé entre Attijariwafa bank et l’une des plus grandes banques chinoises, Bank of China Ltd. Ou encore, celui signé par BMCE Bank et la Chambre de commerce et d’industrie chinoise pour l’Afrique (CAJ-CCI)…

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Cependant, les carences…

Que le Roi ne cesse de poser des jalons afin que le Maroc serve de véritable hub intercontinental (Afrique, Europe, Asie…) ; que les banques, hommes d’affaires et établissements d’envergure, donnent du contenu à cette ambition ; que les partenaires d’Europe ou d’Asie croient à cette vocation… Tout cela constitue de solides acquis pour le Maroc. Cependant, il ne pourrait en tirer pleinement profit que si, après avoir pris la vraie mesure des chances à saisir, il entreprenait, avec la plus grande rigueur et la plus ferme détermination, de s’attaquer aux boulets qui entravent la marche du pays.
Le taux d’analphabétisme est un véritable boulet. Il est impensable qu’au 21ème siècle, le Maroc en soit encore à «fabriquer» des analphabètes. Enfants des rues, adolescents désoeuvrés, jeunes détruits par le «Karkoubi»… Ce sont autant de générations d’analphabètes que le pays devra traîner pendant 40 ou 50 ans, à moins que la mort n’abrège leur vie.
Avec l’éducation, il y a la qualification de la main d’œuvre qui est non moins déterminante. Comment, en effet, profiter d’un partenariat avec la France ou l’Espagne, si les entreprises de ces pays viennent s’implanter au Maroc, mais ne peuvent recruter ses cadres, faute de qualification ? Le Maroc n’aurait-il d’autre ambition que de procurer à ses investisseurs cette main d’œuvre bon marché que l’on trouve dans les pays ayant récemment défrayé la chronique avec leurs usines bourrées d’ouvriers sous-payés qui finissent par s’écrouler ou prendre feu ?
Les boulets sont nombreux et nul n’est besoin d’en dresser une liste exhaustive. Ce qui compte, aujourd’hui, ce n’est pas le diagnostic (archi-connu), ce sont les remèdes. Tous les Marocains attendent de la classe politique qu’elle cesse de se donner en spectacle, en se disputant le pouvoir, pour se hisser enfin à la hauteur des ambitions du Maroc et de son Roi.

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