Une preuve de vie pour avoir ma pension !

Jamila, 75 ans, est veuve d’un fonctionnaire de l’Etat. Voir que sa pension a été bloquée, parce qu’elle devait prouver qu’elle était encore en vie, a fortement déplu à cette septuagénaire. Elle s’est sentie maltraitée et pas soutenue par l’administration publique que son mari a servie durant des années et jusqu’à sa mort.

«Dernièrement, quelle surprise pour moi que de ne pas trouver le virement de ma pension mensuelle de veuve sur mon compte bancaire, comme chaque mois, depuis des années! Lorsque j’en ai demandé les raisons, on m’a soulagé en m’affirmant que ce mois-ci, je n’étais pas un cas isolé et qu’il fallait que je me renseigne pour en connaître précisément les raisons. Je sus, après quelques investigations personnelles, qu’il fallait que je fournisse à l’administration centrale de la Caisse des retraites un document attestant que je suis toujours en vie. C’est un dérangement fatiguant, coûteux, pour une soi-disant régularisation aussi indélicate que démoralisante. J’ai été terriblement affectée. C’était un sacré coup pour ma dignité. Je ne pousse pas ce coup de gueule dans l’intention d’avoir des avantages par rapport à qui que ce soit ou être traitée comme une privilégiée. Je souhaite seulement être traitée avec plus d’égards. Et pas seulement moi, je le souhaite également pour toute personne de mon âge ou dans ma situation.

Avant de parler de ce qui m’a affligée, je voudrais d’abord parler un peu de ma vie aux côtés de feu mon époux, fonctionnaire. Je suis née dans une famille du sud; mon père, un commerçant prospère. Il n’avait jamais voulu me voir épouser un homme qui n’était pas de notre région. Mais lorsqu’il rencontra les parents de celui qui était venu demander ma main, il changea d’avis. Sa bénédiction avait été transportée par la présence du grand-père de mon mari qui était un de ses fournisseurs du nord les plus appréciés. Moi, j’étais aux nues d’avoir tant plu à ce bel homme et fonctionnaire, de surcroît qui avait fait l’impossible pour devenir mon mari. Une fois en couple, nous passâmes seulement trois années dans ma ville natale. C’est là que j’avais eu mes deux premiers enfants. Nous avons passé notre vie à changer de lieu de résidence pratiquement toutes les quatre années. Mon mari, qui avait une fonction très importante, était souvent promu à des postes à problèmes. Dès qu’il remettait le tout en ordre, son administration générale s’acharnait à le muter ailleurs à des centaines de kilomètres, parfois même en début ou milieu d’année. Il est vrai que tout cela était pénible, nous n’avions jamais pu nous installer définitivement où que ce soit. J’ai terriblement souffert de ces déménagements. Je détestais les mutations parce que j’étais privée un temps de la présence de mon mari. Il y a aussi qu’à cause de ces mutations, mes enfants ont subi de lourdes conséquences. Changer de lieu de résidence, d’amis d’école, de professeurs, parfois en milieu d’année, ne peut que nuire à l’équilibre psychologique d’un enfant et, pis encore, à celui d’un adolescent. Et nous, les parents, quelles tensions que d’être soumis toute une vie durant à tant d’instabilité! Nous avions quelques avantages, mais tout cela s’est envolé à la mort de mon mari. Mes enfants et moi, nous n’avions jamais su faire sans lui. Je ne suis pas une femme qui prenait des décisions, je n’ai jamais rien su des procédures administratives et encore moins de celles qui m’attendaient. Heureusement, j’ai pu être aidée par l’un de mes beaux-frères; sans lui je me serais bien perdue. J’ai dû aussi partager avec mes enfants le seul bien que mon mari avait laissé. Je ne voulais pas les priver de ce qui leur revenait de droit, certains souvenirs de mon mari m’étaient insoutenables. C’est dans cette maison que nous voulions passer nos derniers jours. C’est à crédit que nous avions pu l’acquérir et la construire. J’avais hérité quelques biens par mon père que Dieu ait son âme, que j’ai vendus. Avec une partie de cet argent, j’ai pu acheter mon propre appartement pour vivre dans la ville natale de feu mon époux en hommage à sa mémoire. Avec l’autre partie, j’ai aidé mes enfants à se marier et à s’installer. Ne sachant ni gérer, ni faire fructifier mon argent, je me suis appauvrie. Je n’ai aujourd’hui pour survivre que la pension mensuelle de mon mari et ma maison. Ma vie d’épouse et de mère n’a pas du tout été paisible. En plus des déménagements et de la gestion des tâches ménagères, j’avais pour mission de supporter et calmer l’énorme stress dû à son travail que rapportait mon mari à la maison. Je devais veiller aussi à l’éducation de mes 5 enfants et les énormes problèmes comportementaux nés d’inaptitudes scolaires de certains d’entre eux. Mon mari aussi souffrait terriblement de cela. C’était moi qui réconfortais tout ce petit monde. Le décès de mon mari m’a achevée: nous avions encore tant besoin de lui! Tous ces efforts, je les paye aujourd’hui au prix de ma santé. Je suis diabétique insulo-dépendante. Je souffre également d’hypertension et de troubles cardiaques. Ma pension ne me sert pratiquement qu’à payer mes traitements médicaux. J’en suis fort heureuse, mais cela me demande aussi de faire de gros efforts pour tenir mes déclarations-maladies à jour et de les envoyer à temps pour leur remboursement. Dernièrement, je n’ai pas pu recouvrer ma pension et je ne m’y attendais pas du tout. On m’a dit d’appeler la Caisse centrale des retraites, ce que j’ai fait. Au bout du fil, une jeune dame m’avait demandé mon numéro d’immatriculation et m’a assurée qu’elle avait tout réglé sur le champ: j’avais affaire au centre d’appel qui gérait les contacts. Elle m’avait dit aussi que je n’avais pas besoin de me rendre à Rabat pour la remise d’une attestation de vie, puisque je me présentai en personne au guichet de ma banque. J’étais si contente qu’au pays, les choses aient si bien évolué. Mais il n’en était rien. Il a fallu que je me déplace: j’habite Tanger. J’ai dû aussi passer la nuit dans un hôtel, tout cela pour régulariser ma situation. Un nombre important de personnes étaient là aussi pour le même motif. Il était affligeant de remarquer qu’il y avait des cas dont la pension ne s’élevait pas à 300 DH, venant d’Agadir et même plus loin pour régulariser une situation similaire à la mienne. Cela est révoltant tout de même de se faire traiter de la sorte. Et puis franchement, c’est sidérant que les procédures soient encore si compliquées et d’une lenteur énigmatique. Ne sommes-nous pas à l’ère de l’internet et des nouvelles technologies qui permettent tellement plus de gain de temps et d’argent? Sinon, pourquoi ne pas envisager carrément un petit bureau de caisse de retraite ouvert dans chaque province du Royaume? Juste un geste pour ces bons et loyaux services rendus à l’administration publique… Et pour les personnes âgées et malades que nous sommes?»

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Mariem Bennani

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