Une folle à lier pour voisine

Samira, 40 ans, célibataire, cadre supérieur, est accusée, dès son installation dans sa nouvelle maison, de complot d’agression par une voisine. Or, elle n’est pas nouvelle locataire, mais nouvelle propriétaire…

«J’étais si heureuse d’avoir enfin mon chez moi, ma petite maison. Mon rêve devenait concret. Une fois mes clés en main et les démarches administratives terminées, je me suis occupée sans relâche des travaux d’aménagement pour rendre mon appartement à mon goût. Cela a duré quelques mois quand même avant que je puisse y placer mes meubles. Après deux mois très éreintants, je soufflais. Je m’installais et me croyais enfin tranquille. Je me trompais lourdement. Il a suffi qu’une dispute éclate entre une voisine de palier et mon aide ménagère -qui ne vient que deux fois par semaine- pour que mon rêve se transforme en cauchemar.
Ce jour-là, alors que j’étais au boulot, on m’appela pour me dire que quelque chose n’allait pas chez moi. J’arrivai donc très vite, le cœur battant mille à l’heure. Je trouvai le gardien à la porte de l’immeuble et il me raconta sa version des faits.

Les deux femmes en question en étaient arrivées aux mains sur la terrasse pour une histoire de place, de fil à étendre le linge et de vol. J’avais honte que l’on m’associe à ce genre de bassesses. J’avais eu au téléphone la jeune femme qui travaillait pour moi, Amina. Elle m’avait alors relaté en pleurs au bout du fil que la voisine était une vraie folle. Je fus, mais plus tard, à même de constater que c’en était une, une vraie. Elle l’avait non seulement accusée de vol injustement, mais elle l’avait bousculée et avait essayé de l’étrangler. Amina l’avait alors échappée belle grâce à l’arrivée du gardien qui avait entendu les cris. Cette folle furieuse avait mis en branle tout l’immeuble. Et ce n’était pas tout: un peu plus tard, elle sonnait à la porte de mon domicile et y pénétrait de force. Sans gêne, elle se mit à inspecter les lieux et à ouvrir tous les placards. Selon Amina, elle disait vouloir absolument retrouver ce qui lui avait été dérobé. Bredouille, elle finit par rebrousser chemin, après avoir tout inspecté.
Ces deux récits qu’Amina m’avait faits au téléphone bourdonnaient dans ma tête; je tremblais de rage, j’avais hâte de m’expliquer avec cette sans-gêne qui s’était permis d’entrer chez moi en mon absence. J’étais à mille lieues d’imaginer la suite. Une fois devant ma porte, j’avais juste le temps de sortir ma clé que cette sauvage me sauta dessus en s’écriant que j’avais à mon service une racaille, une pourriture, une voleuse de vêtements. Ne me laissant pas l’occasion de prendre la parole, elle continua en racontant que je ne savais rien de ce qui se tramait chez moi; que mon employée fricotait quand je n’étais pas là avec le gardien, son complice. Je fus alors victime et spectatrice d’un scénario des plus effroyables et aussi des plus barbares. En ouvrant ma serrure, cette hystérique, sans attendre que je l’invite à entrer, donna un coup de pied à ma porte et se jeta sur Amina qui se trouvait tout juste à l’entrée, pour lui faire la peau, une seconde fois. Ensuite, plus vite que l’éclair, comme dans les films, elle prit un de mes vases, le cassa, érafla avec un débris tranchant une de ses mains, une jambe et s’assena des coups à la figure. Ensuite, elle se mit à crier au secours à tue-tête en s’affalant sur le carrelage. Elle hurlait en sanglotant: «Au secours, au secours les gens! Venez, on me tue! Pitié, appelez mon mari, appelez mes enfants, appelez la police!».
Mon appartement fut saccagé par une tragédie. Des habitants de l’immeuble avaient accouru pour voir ce qui se passait. Le mari aussi est arrivé et a voulu s’en prendre à nous et nous molester. Puis, dégagé par les hommes, il s’est mis, tout en nous insultant, à composer le numéro de la police pour l’avertir qu’il fallait qu’elle vienne à notre adresse de toute urgence pour porter secours à son épouse blessée, victime d’une agression à l’arme blanche.
La police est arrivée, l’ambulance aussi. Je me suis retrouvée dans le fourgon de police, puis au commissariat. On accusait Amina d’agression avec coups et blessures à mon domicile et moi j’étais coupable de complicité. Nous fîmes notre déclaration, mais je ne me sentais pas à l’aise. Le scénario dramatique de cette femme avait été étudié de façon à nous nuire complètement. Tout était basé sur du faux, de l’archi-faux. Ce cinéma me dégoûtait profondément. Je dus engager un avocat pour nous défendre. Quelques jours après cet incident, mes témoins m’ont raconté que cette femme, notre adversaire maintenant, était une folle à interner. Depuis son installation, elle a à son actif des dizaines d’histoires; qu’elle est en brouille avec presque tous les habitants de l’immeuble et qu’en plus, elle a pour habitude de tabasser son mari et d’aller se poser en victime. Ce qui est arrivé chez moi, selon eux, n’est qu’un de ses stratagèmes habituels. Je comprenais que les choses n’allaient jamais s’arranger. Aussi, depuis, elle continue de me pourrir mon quotidien sans inquiétude. Dès qu’elle nous aperçoit, Amina ou moi, elle crache et claque sa porte à faire trembler tous les murs. Ma voiture a été rayée de partout. J’ai droit aussi, en prime, à l’entrée de mon domicile, à la présence d’une poubelle débordante de détritus aux odeurs pestilentielles, alors que nous avons un vide-ordures. A bien réfléchir, l’issue du procès, va-t-elle résoudre quelque chose ou plutôt mettre notre vie en danger? Devrions-nous nous inquiéter d’être accusées à tort et d’avoir à purger une peine? A cause de cette folle furieuse, devrais-je déjà penser à aller vivre ailleurs, alors que je suis nouvel acquéreur? Et Amina, que va-t-il lui arriver? Mon désarroi est sans bornes!».

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Mariem Bennani

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