Pour vous, mes enfants…

Karima, 57 ans, est une veuve au foyer, avec 3 enfants. Par amour pour ses enfants, cette femme a supporté maltraitance et violence conjugale. Son sacrifice a-t-il servi? Voici son récit.

«Jamais je n’aurai imaginé que notre destin allait prendre la tournure qu’il a prise aujourd’hui. Les coups durs, je les ai encaissés les uns après les autres. A tel point que je n’avais plus l’ombre d’un doute sur le fait que la malédiction avait pour divertissement favori de nous persécuter.

J’étais mariée à un homme qui, au départ, semblait être quelqu’un de posé, sérieux, humain… En somme, un homme bien. Il n’en fut rien! C’était un marginal qui avait seulement besoin de compagnie contractuelle sur laquelle il pouvait se défouler sans être condamné. J’ai supporté son despotisme, sa vulgarité et son alcoolisme durant des années. Il me rabaissait, me rouait de coups au gré de ses humeurs. Il savait que je ne pouvais le quitter; j’avais des enfants et pas de métier pour vivre. Je n’avais pas non plus la sympathie des siens qui, d’ailleurs, n’en avaient pas pour lui davantage. Tous le haïssaient pour l’abjection de ses manières, son avarice et sa jalousie morbide. Ce voyou ne le soupçonnait même pas. Sans parler des gens avec qui il traitait ses affaires et qui n’avaient pas non plus bonne opinion de lui.

Je pensais qu’en ayant des enfants et en vieillissant, il allait s’améliorer. Bien au contraire, il devint plus cruel qu’il n’était permis, ni imaginable. Son amour pour la boisson et l’agressivité devinrent plus intolérables que jamais. Nous subissions tous les quatre le pire des traitements sans jamais oser nous rebeller. Nous vivions dans une tourmente extrême, à tel point que même durant ses absences, nous chuchotions pour communiquer entre nous.

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Mes pauvres enfants étaient dociles et compréhensifs, malgré leur jeune âge. Je n’ai jamais eu de problèmes avec eux, pour leurs études, ni pour quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs. Ils étaient conscients de ce qu’un moindre écart de conduite de leur part pouvait me coûter. Je me suis toujours donnée en pâture à cet ogre pour les préserver d’immondes brutalités. Quand cela arrivait, je pansais mes plaies en me vidant de mes larmes, parce que je les voyais regretter amèrement que j’aie intercédé. Je ne supportais pas de les voir si affectés. J’aurais donné ma vie, plutôt que de les voir dans ces états de désolation.

Ce fut ainsi jusqu’à ce que ce monstre de mari soit emporté par une longue maladie incurable. Cela n’avait pas été simple: du courage, il m’en avait fallu, pour continuer de servir et déléguer des soins à un homme aussi mauvais, privé de son addiction et agonisant. Je l’avais pourtant soutenu jusqu’à son dernier souffle. Il m’a remercié en me laissant sur la paille et en léguant notre maison et les meubles dans lesquels nous avons toujours vécus à sa sœur aînée. Je ne l’ai su qu’à son décès, puisque nous en avons été chassés comme de vulgaires locataires. Cette tante et son mari qui n’étaient pas dans le besoin, avaient eu le culot de nous priver même de notre linge. Quant à leurs enfants méchants jusqu’à l’extrême, ils prirent plaisir à accabler les miens déjà abattus par leur sort avec des jeux de mots cruels. Ils firent pire plus tard, d’ailleurs, en les narguant devant leurs amis avec des bolides achetés avec l’argent de la vente de notre maison.

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Nous nous sommes retrouvés à la rue, sans rien et sans la moindre âme sur cette planète sur qui compter. Mais in extremis, nous fumes épargnés par une chance incroyable. Ce fut le point de départ d’une libération totale du malheur. Le parent d’un camarade de classe de mes enfants, promoteur immobilier, ayant eu vent de notre condition, nous offrit gratuitement un abri meublé, flambant neuf. Aussi de nombreux dons de la part de gens mis dans la confidence avaient afflué de partout. Nous n’avons pas été un seul jour abandonnés à notre triste sort.

Dans la même année, quelques mois plus tard, mon aîné qui poursuivait des études techniques fut embauché dès qu’il eut son diplôme. Maîtrisant parfaitement son savoir-faire, il eut des opportunités d’affaires incroyables qui nous permirent d’acquérir ce même logement offert à un prix sacrifié. Petit à petit, mes autres enfants emboîtèrent le pas à leur frère. Ensemble, ils constituèrent une société et s’activèrent à fond dans leur business commun. En quelques années, je fus installée comme une reine dans un palace. Depuis, je ne cesse d’être choyée en étant couverte de cadeaux somptueux. A me voir, je doute que quiconque puisse soupçonner une seul seconde quel a été mon passé. Quel bonheur! Bien que m’être dévouée pour mes enfants, je ne l’avais jamais fait par calcul…».

Mariem Bennani

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