Pas de filet pour moi !

Najat, 45 ans, travaille comme technicienne de surface dans un établissement scolaire. Travailler est vital pour elle et sa petite famille. Elle ne savait pas, alors que ses patrons la disaient déclarée, si elle pouvait bénéficier d’une couverture sociale en bonne et due forme et des allocations familiales au nom de ses enfants. Et voilà que… surprise!

«Je me suis mariée, il y a 20 ans, avec le fils de nos voisins. Nous entretenions une liaison amoureuse secrète qui s’est soldée par un mariage presque forcé. Mon idylle avait été démasquée un jour où je me trouvais assise avec lui dans un café. Mes frères, avertis par je ne sais qui, y ont fait irruption comme des fous et nous ont sortis de là avec une rage indescriptible. Mon futur mari avait réussi à prendre ses jambes à son cou pour aller se tapir chez lui. Entre-temps, moi, j’étais à la merci de mes frères qui m’ont traînée par les cheveux jusqu’à la maison, sans cesser de me rouer de coups en me traitant de tous les noms. Et si ce n’était que ça! Les relayant, mon père et ma mère, face à ce scandale auquel ils ne s’attendaient pas, se sont mis eux aussi à me tabasser pour le déshonneur dont je les couvrais, disaient-ils. Ce jour-là, mes cris de douleur s’entendaient dans tout le quartier. Je survécus miraculeusement à ce véritable cauchemar. Les parents de mon soupirant, nos voisins que je connaissais bien, n’en pouvant plus de ma souffrance, vinrent me porter secours et demander expressément ma main. Mes parents n’étaient pas du tout d’accord au début, parce que celui qui allait devenir leur gendre n’avait pas de travail fixe, puisqu’il était apprenti mécanicien. Il n’avait pas de logement et pas d’argent non plus. Une autre hystérie éclata chez nous. Les parents de mon futur mari enragèrent de comprendre que leur fils, donc eux-mêmes, n’étaient pas les bienvenus et pas à la hauteur de ce qu’on souhaitait pour moi. Dans un débit d’insultes de part et d’autre, mes frères menacèrent de trancher la gorge au prétendant s’il avait un jour la mauvaise idée de me revoir. Mes parents qui savaient de quoi étaient capables leurs fils, acceptèrent finalement la demande, pourvu qu’il n’y ait pas de tuerie ou un autre scandale chez nous. Je me retrouvais donc très rapidement mariée et vivant chez mes beaux-parents. Peu de temps après ce cirque, mon mari avait trouvé un travail stable et mes beaux-parents durent transformer leur maison pour que nous puissions y vivre avec deux des frères de mon mari, eux aussi en couple. De cette union, j’ai eu 5 enfants et je restais à la maison pour m’en occuper. Mais tout le cours de mon existence allait basculer à la naissance de mon dernier enfant. Mon mari, qui s’était installé à son compte, ne s’en sortait pas du tout. A peine arrivait-il à payer son loyer et la cotisation imposée par ses parents pour nous permettre de vivre sous leur toit. Il avait des problèmes de santé et s’est révélé être diabétique. Je dus, par obligation, chercher à travailler pour que nous puissions nous nourrir. Grâce à une de mes amies, je pus trouver une place d’aide cuisinière dans une petite gargote. Il fallait pour cela me lever aux aurores, prendre deux bus et ne rentrer que tard le soir. A cette époque, je n’avais pour m’aider à tenir la maison et s’occuper des plus petits que mes deux grands en vacances scolaires. Mon mari, lui, partait un peu plus tard que moi le matin et ne revenait que beaucoup plus tard que moi. A la rentrée des classes, je dus stopper cette activité, mais très rapidement, je le regrettai. Je dus me remettre à chercher un emploi, parce que mon mari ne rapportait toujours rien. L’emploi de cuisinière avait été pris et, n’ayant pas le choix, je me mis à faire des ménages dans les maisons. On m’engageait à la journée pour les grands nettoyages, C’est un travail titanesque qui nécessite beaucoup de force, mais qu’importe, je ne me souciais que de nourrir mes enfants et subvenir aux frais de la maison. Depuis 5 ans, grâce à une dame chez qui je fais mes ménages et qui sait ce que j’endure, j’ai pu être embauchée dans une école. Deux gros bâtiments, avec des classes et une cour dont j’assure aujourd’hui le nettoyage et ce, deux fois par semaine, le mercredi et le samedi, des jours où mes enfants sont à la maison. Grâce à ce travail -Dieu merci- j’ai un salaire fixe de 800 dirhams par mois, plus ce que je gagne en travaillant pour une personne chez qui j’assure le ménage une fois par semaine. J’arrive à nourrir et vêtir décemment mes enfants et les envoyer à l’école. Mon mari continue de dire qu’il n’a presque pas de clients dans son petit garage et que le traitement de son diabète lui coûte très cher. Aujourd’hui, mes deux grands garçons, l’un de 18 ans et l’autre de 16 ans, ont arrêté leur scolarité parce que leur niveau scolaire était vraiment trop bas. L’aîné passe ses journées à traficoter je ne sais quoi dans les rues et l’autre a pu être engagé dans une boulangerie comme livreur. Ces deux-là, nous n’arrivons plus, mon mari et moi, à discuter avec eux: ils font ce que bon leur semble. Il m’en reste trois qui essaient de s’en sortir comme ils le peuvent. Je ne peux faire autrement que de les laisser livrés à eux-mêmes. Actuellement, j’ai une autre source de tracas et de dépense, parce que mon aîné purge une peine de 6 mois pour avoir causé du tapage nocturne devant le domicile d’une soi-disant petite amie qui l’aurait laissé tomber. Je ne m’en sors plus. Mon mari, lui, dit que ce n’est pas son problème et que cette mauvaise éducation de nos enfants m’incombe exclusivement. Il est inutile pour moi d’essayer de m’expliquer avec lui; il y a longtemps que cela n’est plus possible.
Pour arrondir un peu plus mes fins de mois, j’ai pris mon courage à deux mains pour aller demander à la directrice de l’école où je travaille -qui dit me déclarer à Caisse nationale de sécurité sociale- des renseignements pour que je puisse bénéficier de primes et allocations pour mes enfants scolarisés. Elle m’a expliqué que même avec cette carte qu’elle m’a remise, je ne pouvais y avoir droit. J’ai compris qu’elle ne payait pas les cotisations de la CNSS. Pourtant, cela fait 5 ans que je travaille pour cette école. Même mes deux déplacements en bus, à l’aller et au retour, sont à mes frais… Sans parler de l’eczéma que j’ai contracté aux mains à cause des produits d’entretien. Je n’ai pas cherché à en savoir plus, de peur de perdre ce petit emploi qui est la garantie de survie de ma modeste famille. Mais plus tard, chez moi, je n’ai pas pu retenir mes larmes. Moi qui pensais que, grâce à la CNSS, je pourrais bénéficier d’un filet social et recevoir un pécule, si petit soit-il, d’abord pour m’aider à nourrir mes enfants, ensuite pour acheter ne serait-ce qu’un morceau de pain quand je serai trop vieille pour travailler… Je crois aujourd’hui que la mort me fauchera bien avant, faute d’avoir pu résister!».

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Mariem Bennani

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Un commentaire

  1. faire le ménage (travail instable)et avoir 6 enfants.alors que un seul enfants est déjà cher a élevé et éduqué
    la il y a un problème de conscience très grave……..
    bon courage

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