Heureux d’avoir échoué à mon bac !

Amir, 18 ans, lycéen, offre l’échec de son bac à ses parents. Curieux cadeau qu’il explique…

«Cette année, je n’ai pas eu mon Bac, je ne me sens pas malheureux, je m’en fiche, j’ai d’autres soucis pour le moment. N’allez surtout pas croire que je suis un mauvais élève, non, pas du tout. Il se trouve que cette année, alors que je devais m’occuper uniquement de mes études, mes chers parents se sont déclaré la guerre. Ils n’ont pas trouvé meilleure période pour nous rendre le quotidien insupportable.
Ma petite sœur et moi, à cause d’eux, avons eu des résultats désastreux. C’est une année cauchemardesque que nous avons passée. D’ailleurs, nos vacances s’annoncent elles aussi noires. Notre père et notre mère s’étripent, les deux sont inconscients et horriblement égoïstes. C’est à se demander ce qui a pu leur donner envie de se mettre en couple et d’avoir des enfants. Et surtout comment ils ont pu, durant toutes ces années écoulées, vivre ensemble et être aussi hypocrites l’un envers l’autre.

Et puis, nous, le fruit de leurs entrailles, comme ils se sont complus à nous le rappeler tant et tant de fois, qu’avons-nous fait pour mériter des parents pareils? Quand je compare ma vie de cette année d’examens avec celle de mes camarades, j’ai honte à leur place. Si seulement ils avaient pu nous épargner de perdre toute notre fierté, ma sœur et moi, nous aurions pu nous en sortir, mais non… Pensez-vous! Ils s’étripaient jusque pour le règlement des frais de mensualités scolaires. Une des situations les plus détestables qui soient au monde pour des élèves, c’est celle des réclamations de régularisation d’impayés devant toute la classe. Que pouvions répondre? Aurions-nous osé révéler, pour nous défendre, que ma pauvre mère, criblée de dettes, arrivait tout juste à payer les notes d’électricité, d’eau et notre nourriture? Et que mon père avec sa nouvelle bagnole préférait sortir avec ses conquêtes? Que par sa faute, plus de la moitié du salaire de ma mère est bloquée par les traites de la maison et son mobilier? Nous auraient-ils seulement épargné le rabâchage de leurs misères et leurs sournoises manigances à qui fera le plus de mal à l’autre? Parce qu’en plus, au lieu de nous permettre de préparer nos examens et de focaliser notre attention sur nos révisions, ma sœur et moi, nous sommes continuellement sollicités en tant que juges pour arbitrer leurs bassesses. Quel supplice que de les écouter nous donner des détails de leurs monstruosités et de les inviter, nous leurs enfants, à se remettre en question et à nous ficher la paix. Chaque jour, on voyait notre mère sombrer dans la psychose à cause d’un mari volage et irresponsable. Ni nous, ni les voisins n’échappions à la misère de leurs crises hystériques de la nuit. Parlons-en, des voisins et de leurs enfants qui, chaque lendemain, nous dévisageaient avec soit de la compassion, soit de la joie… Parce que cette maudite voiture que mon père a achetée, certains nous l’envient. Bien heureux sont les jaloux de nous savoir dans la détresse. Nous, nous l’aurions bien échangée, cette ferraille, contre de la sérénité.
Je ne suis pas malheureux d’avoir échoué, c’est le cadeau que j’offre à mes parents qui ne se sont pas préoccupés de mon avenir. Un cadeau surtout pour mon père insensible à tout ce qui me concernait, parce que j’ai soutenu ma mère et pas lui. Lorsque malgré tout j’essayais de me libérer de leur folie et je réclamais des cours de soutien ou au moins les frais de scolarité, il m’envoyait balader. Il me disait rageusement d’aller voir celle pour qui j’avais plus de compassion. Il avançait aussi que, de son temps, personne n’avait jamais eu besoin de cours particuliers pour faire ses preuves dans le domaine des études. Que si j’avais été aussi doué que lui, je n’en aurais jamais eu besoin. Mais que, malheureusement, ce n’était pas de sa faute si j’ai hérité de gènes médiocres, en l’occurrence ceux de ma mère. A ses paroles, je n’ai pas eu d’autre choix que de pleurer amèrement. Puis, je n’ai plus voulu faire d’efforts, à quoi bon? J’ai passé le bac, je n’ai fait aucun effort. Il était important pour moi de ne pas avoir de remords, ni de trac face aux résultats. J’ai été recalé et j’en suis satisfait. Maintenant, mon plus grand souhait dans cette vie, c’est la séparation de mes parents et qu’elle se fasse dans les mois qui viennent. Je veux repasser cet examen, mais dans de meilleures conditions».

Bac, après bac et chômage

Mariem Bennani

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