Amour sans djellaba

Amine, 35 ans, est directeur dans une multinationale. Pour lui, l’apparence est extrêmement importante. Son récit prouve qu’elle l’est bien plus que tout.

«Je travaille actuellement dans une grande entreprise de la place. J’évolue dans un environnement d’excellence, avec des sommités du monde du business. En plus, j’exerce un métier qui me passionne. Mes parents sont enfin heureux du bel avenir qui m’attend.

Je suis sportif, j’aime tout ce qui est luxueux, branché et nouveau. Mon seul problème aujourd’hui, c’est ma petite amie Yousra.
Notre relation a pris fin depuis deux mois et j’en suis accablé. Qui aurait cru que cette fille me rendrait complétements dingue d’elle? Aujourd’hui, elle refuse de me parler ou de me rencontrer et prétend que c’est vain d’essayer de tenter une réconciliation qui n’a pas d’issue.
Nous étions ensemble depuis deux ans. Mes sentiments étaient sincères et les siens l’étaient aussi. Yousra est une jeune et très jolie fille, douce, agréable, intelligente, instruite qui est en dernière année universitaire. Nous nous rencontrions régulièrement et, chaque fois, je me sentais de plus en plus épris d’elle. Je ne lui ai jamais trouvé de défaut. Sa candeur et sa bonne humeur enjolivaient ma vie.
Pourtant, je me gardais de la présenter à quiconque et évitais de m’afficher avec elle dans des lieux où je pouvais rencontrer des connaissances ou la famille tout simplement. J’avais une sorte de hantise que l’on nous surprenne ensemble. Cacher notre relation n’était pas digne de la personne que j’aime. C’était même déplorable et je détestais cela. Ce piètre comportement ne correspondait en rien à mes convictions, ni à la personne ouverte, franche et sûre d’elle que je suis.
Ma petite amie Yousra est issue d’une famille aisée, mais très traditionnaliste. Cependant, ce n’était pas eux le problème ou peut-être bien… En tous cas, je ne sais plus où j’en suis maintenant.
J’explosais intérieurement à chacune de nos rencontres, parce qu’elle venait à nos rendez-vous en djellaba. Cette tenue n’était jamais la même, chaque fois différente, sobre, d’une classe extrême, fabriquée dans des étoffes de premier choix. Il suffisait que je regarde ma Yousra pour oublier ce qui me fâchait. Je la trouvais très belle, fraîche, pas négligée du tout. Seulement, moi, je ne supporte absolument pas notre vêtement traditionnel marocain. Je me posais tout le temps la question de savoir si j’étais avec une vraie  »beldia », ce qui ne pouvait en aucun cas correspondre à ma mentalité moderne, occidentalisée à bloc ; ou si c’était une lubie de sa part et, dans ce cas, il fallait lui faire savoir que ça ne m’amusait pas.
Comment imaginer présenter Yousra en djellaba à mes amis, collègues ou à ma famille, eux si pointus dans le choix de leurs vêtements très mode et signés? Pour moi, ce genre de vêtement n’est que populaire et n’a jamais rien eu d’aguichant. En plus, combien de fois, quand nous étions jeunes, nous passions notre temps à nous moquer de ceux dont la petite amie portait une djellaba? On disait d’eux qu’ils préféraient les «endjolibées». Ce qui voulait dire, les filles sans chichis de la Médina souvent vêtues de djellaba. Aujourd’hui, ces filles portent plus souvent la «abbaya», cette longue robe noire avec des strass des femmes émiraties.
Bien sûr, nous voyions de plus en plus de très belles femmes en djellaba et même des hommes, surtout le vendredi ou pendant le mois de ramadan. Il n’en reste pas moins que, pour moi, c’est un vêtement qui se porte par résignation, pour le deuil, puisque ce n’est qu’à cette seule et unique occasion que ma mère en porte. Aussi, je n’en avais jamais eu et je n’en ai jamais porté, tout comme mon père. Chez nous, nous vivons à l’européenne, nous n’avons même pas un salon à la marocaine, ni même une théière traditionnelle…
Les premières fois, quand je voyais Yousra, je croyais qu’elle portait la djellaba pour ne pas éveiller les soupçons de ses parents qui devaient la voir sortir. Mais je me trompais, parce qu’elle venait tout le temps avec une djellaba différente. J’imaginais alors que l’élue de mon cœur n’avait pas d’autre vêtement. Pour lui faire comprendre gentiment que ce genre de vêtement ne me plaisait pas, je me mis à lui offrir des vêtements féminins qui me plaisaient beaucoup, des chaussures, des sacs, beaucoup de choses que j’aurais tant aimé voir sur elle. Elle recevait alors mes cadeaux sans me montrer de contentement; je ne l’avais pas sentie ravie. D’ailleurs, lors de notre rencontre suivante, elle était encore venue en djellaba. Ce jour-là, elle avait quand même fait l’effort de ne pas mettre de ballerines, mais plutôt les jolies bottines à talons que je lui avais offertes.
Je trouvais que j’avais été très patient jusque-là et qu’il fallait que je lui parle. Je tentais une explication et lui demandais carrément ses raisons de se vêtir en djellaba à chacune de nos rencontres. Je lui expliquais aussi, sans lui laisser la parole, que cela ne la valorisait pas à mes yeux et qu’avec ce vêtement, nous ne pouvions jamais aller dans certains de mes endroits habituels, ni au restaurant, ni au café, ni nulle part…
Elle restait muette comme une carpe. Excédé par son mutisme, je poussais alors le bouchon plus loin, trop loin, en lui disant qu’avec sa foutue djellaba, elle risquait de faire tâche dans le monde dans lequel j’évolue et c’était la raison pour laquelle, depuis deux ans, je ne me décidais pas à lui parler de fiançailles, ni à la présenter officiellement à mes parents. Elle me répondit alors, avec un calme olympien, que si je ne l’acceptais pas avec sa djellaba, c’est la preuve qu’elle ne sera jamais la bienvenue dans mon monde, parce que, justement, ses idées et son choix à elle, sur la question du port du vêtement traditionnel, sont à l’opposé des miennes. Et qu’elle était très peinée de comprendre que je puisse à ce point être immature et souffrir de nos origines, du traditionnel et des apparences…
Elle finit par me dire que, puisque j’accordais plus d’importance à un vêtement et à l’avis des autres qu’à elle, il valait mieux qu’on en reste là; qu’elle ne voulait pas non plus garder mes cadeaux et que leur valeur était bien en deçà de ce qu’elle avait toujours porté. C’était la dernière fois que nous nous rencontrions».

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Mariem Bennani

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Un commentaire

  1. Bien que soi disons directeur d’une multinationale ta maturité laissé à désirer .Encore fils à papa imprégné d’occidentalisme et deraciné ayant perdu tout ses repères par suivisme aveuglé de parents,de famille ou de milieu totalement dephasé.Un tour c/o un psy.pourrait t’aider à mieux apprehender certaines choses .

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