Fouad Ammor, enseignant universitaire et chercheur au Groupement d’Etudes et de Recherches sur la Méditerranée (GERM)

«On ne trouve pas la formule adéquate»

Fouad Ammor

Que pensez-vous de la situation actuelle?

La situation est d’une complexité telle que cela demande une véritable concertation à une plus grande échelle, au niveau du pays et au niveau de toutes les forces vives de la nation: société civile, syndicats, partis politiques, intellectuels, etc. Il me semble qu’on est en panne pour ce qui est de trouver l’occasion et la formule adéquate afin de réunir toutes ces personnes et ces organisations pour une meilleure synergie. Je crois que l’un des plus grands problèmes majeurs au Maroc, c’est de ne pas être à même de trouver ce cadre adéquat pour débattre de ces questions.

Du côté de l’Istiqlal, contrairement au PJD, on estime que l’on ne doit pas toucher à la Caisse de compensation. Qu’en pensez-vous?

Mon point de vue par rapport à la question économique, c’est qu’il y a quelques urgences. Pour la Caisse de compensation, par exemple, on sait très bien comment la chose se présente. C’est un fardeau très lourd. On ne peut pas continuer indéfiniment à soutenir une Caisse dont l’impact ne profite pas exclusivement -et c’est là l’objectif de cette Caisse- aux couches nécessiteuses. C’est un constat que tout le monde fait. Maintenant, concernant les solutions possibles, il me semble que, par rapport aux différents scénarii possibles, on ne peut pas continuer à gérer cette Caisse de la même manière. La chose est exclue. Il reste donc deux possibilités: soit un ciblage de ces couches sociales qui sont précaires et qui sont nécessiteuses par rapport au soutien de la Caisse de compensation, soit faire éclater le package (le sucre, le farine et le gaz). Il me semble que, pour le sucre, on peut faire un effort, c’est-à-dire que le Maroc peut ne pas soutenir au même niveau le sucre. Reste la question de la farine et du gaz. Pour la farine, il semble que c’est très difficile, dans l’état actuel des choses, de toucher à ce volet. Par contre, pour le gaz, on peut cibler davantage la chose. Mais la question qui se pose, c’est: comment le faire sur le plan pratique? Il faut véritablement une carte de la pauvreté. Dans un premier temps, on peut repérer les régions, les secteurs, les quartiers, les couches vulnérables. Sur le plan théorique, la solution est simple. Mais sur le plan technique, on craint qu’il y ait un dérapage. C’est cela le problème.

Quelle solution, alors?

Il faut que tout le monde se mobilise et essentiellement le ministère de l’Intérieur. Qu’on le dise clairement et qu’on annonce clairement que tout dérapage serait susceptible de sanction radicale. Et là, c’est une volonté politique qui doit être mise en œuvre et mise en avant. Tous les décideurs doivent être à même de venir à bout de ce spectre. Si jamais il y a un dérapage, la sanction doit être importante. C’est la condition sine qua non. Il n’y a pas une autre solution. Car, disons-le, on peut très bien cibler, mais avec les conditions du moment, le résultat escompté ne sera pas atteint. Une chose est certaine: si on veut véritablement passer à la thérapie, il faut changer les conditions du jeu. Et la question est surtout politique et pas seulement technique.

Pour Hamid Chabat, augmenter les salaires dans la situation actuelle du pays serait possible. Pensez-vous que le Maroc peut faire des efforts dans ce sens?

On peut toujours faire des efforts, mais pas dans le sens d’une augmentation des salaires. Il faut plutôt revoir la structure des salaires et non pas les augmenter. Mais revoir, c’est demander aux uns et aux autres de faire quelques efforts. Le problème au Maroc, ce n’est pas un problème de salaire. Le problème est celui de l’informel, c’est-à-dire les gens qui sont en dehors de ce circuit économique. Certes, on peut toujours augmenter les salaires pour les fonctionnaires marocains, dont le nombre ne dépassent pas, dans la pire des hypothèses, un pourcentage de 15%. Personne ne peut être contre. Mais même si on augmente le salaire de ces derniers, qu’en sera-t-il alors des autres personnes qui, elles, travaillent dans le secteur informel et n’ont ni sécurité sociale, ni salaire? Comment faire avec ces personnes qui sont éjectées du circuit économique et qui ne sont ni fonctionnaires, ni employées, ni salariées. Personnellement, j’estime que la question de la révision des salaires n’est pas véritablement la chose la plus urgente. Ce qu’il y a de plus urgent, ce sont ces personnes qui ne sont ni employées, ni salariées et qui sont perdues dans la nature. Comment les repérer et leur donner un petit subside? Cela va alléger énormément la Caisse de compensation du Maroc.

Comment se présente la situation de l’économie marocaine? A-t-on fait le bon diagnostic?

Le pays a des problèmes majeurs au niveau économique. Aujourd’hui, on ne peut pas continuer à soutenir la Caisse de compensation comme on l’a fait jusqu’à présent. L’alternative, c’est de donner de l’aide et de l’assistance à certaines couches sociales. Maintenant, ce qu’il faut faire, c’est demander à ce que le ciblage des populations soit dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, on n’a pas une carte de la pauvreté. Le PJD a voulu effectivement donner des subsides à ces familles, mais la grande appréhension des autres, c’est que l’on instrumentalise cela et qu’on élargisse la base électorale du PJD. Il me semble que c’est une erreur fondamentale. Aujourd’hui, il faut dépolitiser la chose pour aller de l’avant.

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