«En Algérie, l’armée est le principal détenteur du pouvoir»

Khalid chegraoui

Entretien avec Khalid Chegraoui, enseignant-chercheur à l’Institut des Etudes Africaines (Université Mohammed V-Souissi, Rabat)

Un remaniement ministériel d’une grande ampleur a eu lieu en Algérie. Quelle signification lui donnez-vous?

Ce remaniement fait partie d’un recadrage de la part de l’oligarchie entourant Bouteflika, dans le sens où tous les membres bannis ont participé à quelques manœuvres ou même pensé au remplacement du président malade lors de son séjour hospitalier à Paris; chose considérée comme un manquement au respect dû à la personnalité de Bouteflika et un changement d’alliance et d’intérêt. En outre, par ce changement, Bouteflika, mené par ses proches, règle et ajuste sa dernière course, sachant qu’il ne lui reste plus grand temps à la présidence. Cet acte entre dans le cadre de la défense des intérêts de ses proches, comme son frère Saïd et autres hommes politiques et hommes d’affaires. Aussi, les mauvaises langues à Alger parlent-elles d’un positionnement pro-français du président et d’un remerciement pour l’attention de l’Elysée à son égard. En général, Bouteflika n’est plus qu’un acteur de dernière minute mais qui, par machiavélisme et sous la pression de sa famille et de ses alliés, prépare le terrain pour la prochaine présidence dans le souci de la défense de sa renommée et des intérêts de sa famille, au sens large et même mafieux du terme, si l’on en croit des observateurs algériens.

Ce remaniement vient après des changements opérés au sein du Département des renseignements et de sécurité (DRS). Que pouvez-vous dire sur ces changements au sein de l’armée?

Ces changements ont été traités par certains observateurs comme une révolution et même une défaite du DRS et des militaires sécuritaires devant Bouteflika. Il faudra être extrêmement naïf pour croire à ces diatribes. Les remaniements au sein du DRS ne sont qu’un recentrage des services et des recadrages des missions vers de nouveaux objectifs plus stratégiques. Le DRS aura à sa tête des hommes comme le général Tartag. Mais c’est juste une nouvelle génération qui remonte la pente souvent difficile au sein des clans qui gèrent cette terrible institution, mais aussi le politique et l’économique. Donc, Bouteflika, par ces changements, va remettre entre les mains des militaires les centres du pouvoir du renseignement, en recalant l’élan policier justifié par la lutte contre le terrorisme et qui n’est plus d’actualité pour Alger, comme l’annulation du département de la communication qui se trouve dépassé par les nouvelles technologies et les nouveaux supports médiatiques et réseaux sociaux. Sans oublier que cela n’empêche pas que des rivalités internes se règlent par certains de ces changements. On peut aussi spéculer sur la probabilité d’une peur d’un possible printemps arabe expérimenté chez les Etats sécuritaires et policiers; ce qui sera éloigné éventuellement si l’armée reprend les rênes. Comme résultat, le remaniement tend plus à redévelopper l’intérêt pour les voisins et les frontières ; en premier le Maroc et la question du Sahara, en deuxième la Tunisie avec sa frontière et régime instable et en troisième lieux le Mali où on préparera un retour en contrattaque à la France et au nouveau régime malien s’il ne montre pas patte blanche à Alger, par la manipulation et des touaregs et des jihadistes. Tout cela loin des Algériens qui sont largement contrôlés par une police et une gendarmerie assez efficaces, en plus d’un maintien de stabilité grâce à une distribution, même parcimonieuse, de la rente étatique aux populations, afin de maintenir un semblant de paix sociale et civile interne, appuyée par une propagande bien efficace.

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Le président algérien Bouteflika a l’intention de se présenter pour un 4ème mandat en 2014 et/ou de prolonger le mandat présidentiel de 5 à 7 ans. Qu’en pensez-vous sur le plan constitutionnel? Et comment jugez-vous une prolongation de son mandat?

Tout cela n’est que spéculation. Bouteflika, en accord avec ses alliés, est en train de mettre en place la prochaine plate-forme du pouvoir présidentiel qui se basera sur deux septennats, avec une vice-présidence, en vue d’un futur président parmi les fidèles, mais qui n’aura point de charisme, ni de contrôle effectif, d’ailleurs comme l’ensemble de l’institution politique -qui n’existe que par le compromis avec l’armée- et un partage des deniers publics en termes de spoliation de la rente gazière et pétrolière. En ce qui concerne la Constitution, on est loin de sa logique, tant que le président actuel contrôle sa majorité parlementaire par laquelle il fait passer ses décrets et lois, en vue de prémunir son frère et ses alliés, sa personne post mortem et les pouvoirs de l’armée.

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La conjoncture internationale y sera-t-elle favorable?

C’est sûr qu’elle est et sera favorable et même avec un accord et une compréhension de l’Elysée et de la Maison Blanche. L’Algérie est un acteur de contrôle et de production du terrorisme, en plus d’être un producteur important d’hydrocarbures couronné par un Etat de consommation de plus de 60 milliards de dollars par trimestre.

Selon vous, quel est l’artisan de tous ces changements, Bouteflika, son entourage ou l’armée?

Les deux derniers, avec le consentement de Bouteflika. En fait, l’armée, depuis le coup d’Etat de Boumediene, est le principal détenteur du pouvoir dans toutes ses manifestations en Algérie, en se basant sur les points suivants: la rente des hydrocarbures, le voisin ennemi potentiel (le Maroc) et la propagande interne relayant des mythes fondateurs de l’Etat en comblant le trop vide de l’histoire.

Entretien réalisé par Naîma Cherii

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2 Commentaires

  1. [quote]A part ressasser les sempiternelles âneries de la propagande makhzénienne, on ne voit pas ce qu’apporte cet article. Concernant « le trop vide de l’histoire », cela montre le niveau extrêmement bas de ce pseudo chercheur.[/quote]
    [quote]A part ressasser les sempiternelles âneries de la propagande makhzénienne, on ne voit pas ce qu’apporte cet article. Concernant « le trop vide de l’histoire », cela montre le niveau extrêmement bas de ce pseudo chercheur.[/quote]

    L’article n’apporte rien c’est vrai car c’est la vérité depuis 1962 à savoir une junte qui écrase son peuple et qu’elle réduit à un tube digestif en lui accordant quelques miettes de la rente pétrolière pour gagner la paix sociale.

    A lire ton intervention qui focalise sur l’éternel « ennemi extérieur » ( Makhzen ,France etc..) cette junte a encore de beaux jours devant elle

  2. A part ressasser les sempiternelles âneries de la propagande makhzénienne, on ne voit pas ce qu’apporte cet article. Concernant « le trop vide de l’histoire », cela montre le niveau extrêmement bas de ce pseudo chercheur.

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