Après le séisme politique du 24 octobre 2017 : Moi, ministre? Merci, sans façon!

Après le séisme politique du 24 octobre 2017 : Moi, ministre? Merci, sans façon!

Se voir confier un portefeuille ministériel, occuper une quelconque haute fonction ont longtemps été, au Maroc, synonymes de consécration, d’aboutissement de carrière politique et de prestige vers lequel tout le monde se bousculait. Plus maintenant.

Il fallait le voir pour y croire: des ministres démis de leur fonction, d’autres interdits à vie de toute fonction officielle. Le «séisme politique» promis par SM le Roi Mohammed VI, à l’occasion de l’ouverture de la session d’automne du Parlement (13 octobre 2017), a bien eu lieu le 24 octobre 2017. Loin des raisons qui ont abouti à un tel dénouement (le retard dans la réalisation du programme de développement spatial «Al Hoceima Manarat Al Moutawassit»), cette série de sanctions est un signe annonciateur d’une nouvelle ère en matière de reddition des comptes et d’exercice du pouvoir.

Le «poste de ministre», entre hier et aujourd’hui

Avant, un ministre, entre autres hauts fonctionnaires, était intouchable ou presque, quand il s’agissait d’affaires de détournement de fonds ou d’abus de pouvoir, tellement graves au point d’être reprises par la presse étrangère. Cet état de fait a ouvert la voie à des ministres et certains représentants de l’Etat soucieux de ne servir que leurs propres intérêts, au détriment de l’intérêt général. Pire, pour devenir ministre, par exemple, il fallait justifier d’un long parcours fait de loyauté et de servitude vis-à-vis des leaders partisans. Cela permettait d’obtenir un poste de ministre ou de responsable d’une institution importante de l’Etat. Cette situation a duré de longues années durant, sous le silence complice de plusieurs leaders et acteurs politiques, jusqu’en 2015, quand plusieurs ministres et responsables locaux ont osé badiner avec un projet d’envergure, intitulé «Al Hoceima Manarat Al Moutawassit». Ce projet, qui devait être réalisé dans des délais bien précis et dont les grandes lignes avaient été présentées devant SM le Roi Mohammed VI, a connu des retards multiples à cause du manque d’implication de certains responsables qui, au lieu de s’activer sérieusement pour traduire la volonté royale en faveur du développement de la région du Rif, n’ont fait que confirmer leur  désintérêt de la chose publique. C’est ce qui a d’ailleurs coûté, à plusieurs d’entre eux, leurs postes ministériels, tandis que d’autres ont été interdits de toute fonction officielle, à vie. Une première au Maroc!

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A la recherche des compétences rares

S’exprimant à ce sujet, le professeur de sciences politiques, Nasr Eddine Hssini, estime que les remplaçants des ministres du PPS et du MP, qui ont été démis de leurs fonctions respectives par le Souverain, doivent faire preuve d’un parcours sans faute. Selon lui, le Souverain a été clair en appelant le chef de gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, à présenter des remplaçants des ministres limogés (Nabil Benabdallah, Houcine El Ouardi, Mohamed Hassad et Larbi Bencheikh), dignes de confiance, mais surtout aptes à diriger les départements dont ils auront la charge. C’est donc une nouvelle paire de manches pour El Othmani.  En effet, au lendemain des sanctions royales contre certains ministres et responsables défaillants dans l’exécution du programme «Al Hoceima Manarat Al Moutawassit», Saâd-Eddine El Othmani a appelé à tirer les leçons de ce qui venait de se passer à Al Hoceima et qui a conduit au limogeage de plusieurs hauts responsables.

Parmi les leçons à tirer de ce séisme politique évoqué par le Souverain et qui a bien eu lieu, Nasr Eddine Hssini relève le manque de compétence dont ont fait preuve certains responsables qui, comme l’a souligné le communiqué du Cabinet royal, n’ont pas été à la hauteur de la confiance placée en eux par SM le Roi Mohammed VI. D’où l’urgence de remédier à cette situation en privilégiant des profils compétents, que ce soit lors de la formation des prochains gouvernements ou, actuellement, dans le cadre du processus de remplacement des ministres limogés.  

La compétence constitue donc une condition sine qua non à n’importe quelle nomination dans les hautes fonctions au sein de l’Etat. C’est le point sur lequel insiste, pour sa part, Omar Cherkaoui, enseignant de sciences politiques. Elle doit être mise en tête des priorités lors du processus de formation des prochains gouvernements, à l’occasion des nominations à venir dans de hautes fonctions. C’est ce qu’explique également le chercheur en sciences politiques, Hafid Ezzahri, qui rappelle les discours de SM le Roi Mohammed VI depuis 2016, au moment où l’ancien chef de l’Exécutif, Abdelilah Benkirane, n’était toujours pas parvenu à former sa majorité, jusqu’au dernier discours du Souverain devant les parlementaires en octobre 2017. «SM le Roi a, à maintes reprises, appelé les partis politiques à présenter des profils jeunes et compétents, capables d’occuper des postes de responsabilité au sein du gouvernement et relever les défis auxquels le Royaume fait face, en toute abnégation et altruisme», ajoute-t-il.

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Si Abdelilah Benkirane est resté prisonnier de son désir de prouver qu’il avait toujours raison et que les autres avaient toujours tort, mettant en péril la stabilité politique du pays, jusqu’à son limogeage par le Souverain en mars 2017, son successeur, Saâd-Eddine El Othmani, donne aujourd’hui des signaux forts qui laissent à croire qu’il a compris la teneur des messages royaux en faveur d’un gouvernement homogène, compétent et dont les membres justifient d’un parcours sans faute.

Peut-on dire que les formations politiques directement concernées par les limogeages ont intercepté et compris le message de SM le Roi, en faveur d’une nouvelle génération de ministres compétents? Les premiers signaux émanant de ces partis laissent entendre que c’est non…

Mohcine Lourhzal

2 questions à…

Hafid Zahri, politologue

«Les conditions pour occuper un poste ministériel iront en se durcissant»

Après le séisme politique du 24 octobre 2017 : Moi, ministre? Merci, sans façon!

Après le limogeage de certains ministres en raison du retard pris dans la réalisation du programme «Al Hoceima Manarat Al Moutawassit», les conditions requises, pour devenir ministre, sont devenues de plus en plus strictes, estiment plusieurs observateurs. Qu’en pensez-vous?

Aujourd’hui, les partis politiques doivent faire preuve de vigilance et de professionnalisme lors de l’élaboration des listes des ministrables. Les conditions pour occuper un poste ministériel iront, en effet, en se durcissant. L’objectif actuel et futur est de permettre l’émergence d’une nouvelle génération de responsables dignes de confiance et aptes à tous les niveaux.

D’aucuns estiment que les partis politiques ne parviennent pas à traduire les Discours et les Orientations royales en actions sur le terrain, notamment en matière d’amélioration de l’action politique. Partagez-vous cette opinion?

Le gouvernement doit à présent faire prévaloir les compétences, au lieu de servir des intérêts personnels qui ne servent en rien l’intérêt général. Je crois que tout le monde est aujourd’hui conscient de la nécessité d’agir vite, avec efficacité, tout en plaçant les défis auxquels fait face le Royaume en tête des priorités.  

Propos recueillis par ML

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